Pistes locales contre la crise

Pour sortir d’un capitalisme fou, les Régions de France ne manquent pas d’idées. Dans un manifeste, elles prônent une économie sociale et solidaire.

Thierry Brun  • 16 octobre 2008 abonné·es

L’initiative de l’Association des Régions de France (ARF) ne pouvait mieux tomber. En pleine crise financière, les 26 Régions ont rendu public le 8 octobre un texte intitulé Manifeste des Régions pour une économie sociale et solidaire , dans lequel on peut lire une critique à peine voilée de la mondialisation. Le ton est donné dès les premières lignes : *« L’évolution actuelle de la société pousse à privilégier la recherche quasi exclusive de profit immédiat, à focaliser sur l’innovation technologique en occultant l’innovation sociale, à exclure les plus fragiles et les moins formés. »

Illustration - Pistes locales contre la crise


La Région Nord-Pas-de-Calais a intégré l’ESS dans les schémas de développement économique dès 2003. Lo Presti/AFP

  • « Nous en profitons pour dire que l’économie est plurielle, et que l’économie sociale et solidaire a des valeurs qui ne sont justement pas le profit financier maximum et immédiat » , souligne Philippe Chesneau, vice-président du conseil régional Provence-Alpes-Côte-d’Azur et président de la commission économie sociale et solidaire de l’ARF. Il met en avant un secteur qui représente « 13,5 % en moyenne des postes offerts dans l’économie régionale, 11 % des équivalents temps plein et 10 % des rémunérations versées », avec une tendance à placer l’ensemble des acteurs dans le même sac. Le manifeste donne une « vision très large de l’économie sociale et solidaire » , admet l’élu, qui constate les dé­rives de certains, en particulier dans le secteur bancaire : « Nous vivons un moment de recomposition très lourde, de tentative de retour aux sources de la part de l’économie sociale pour redonner du sens à un secteur qui n’est pas reconnu par la classe politique. »
    Concrètement, « il s’agit de sensibiliser les Régions au champ de l’ESS. On est certes sur un plan déclaratif et d’affichage de l’importance de ce secteur, mais cela nous paraît judicieux de montrer qu’il y a des engagements réels dans les Régions », explique Christiane Bouchart, présidente du Réseau des ­territoires de l’économie solidaire (RTES), qui a en charge la délégation à l’économie sociale et solidaire à la mairie de Lille. Le Réseau et l’ARF ont l’intention de « formaliser un certain ­nombre d’actions conjointes » , ajoute Christiane Bouchart. Une journée de débats a déjà été organisée en commun, et le RTES s’est doté « de moyens humains plus importants » pour passer des conventions avec l’ARF. Treize Régions sont déjà adhérentes du RTES, dont ­l’atout est qu’il rassemble tous les niveaux ­d’échelle territoriale.
    Le Mouvement pour l’économie solidaire (MES), qui rassemble des réseaux régionaux et des associations, s’est aussi réjoui de « la prise en compte de l’économie sociale et solidaire dans les politiques territoriales » . Plusieurs « actions de partenariat ont eu lieu entre le MES et le RTES. Le MES souhaite que cette dynamique se poursuive en partenariat avec l’ARF ».

L’ARF a de son côté pour mission de faire connaître au gouvernement la position des présidents de conseil régional sur les politiques publiques. Le manifeste a donc pris l’engagement d’ « appréhender l’économie sociale et solidaire comme dimension essentielle de l’économie régionale, par l’ouverture des dispositifs régionaux d’aides économiques aux entreprises de ce secteur, le développement de partenariats plus étroits avec le monde économique, le droit à l’expérimentation » . Et l’ARF a publié une liste non exhaustive des initiatives des Régions. Par exemple, l’appel à projets « Économie solidaire » auprès des pays et parcs naturels régionaux en Midi-Pyrénées, pour « contribuer à un développement innovant et solidaire dans les territoires ruraux » de la Région. Le Languedoc-Roussillon a lancé sa première « convention des entreprises de l’économie sociale et solidaire », qui aura lieu les 8 et 9 décembre à Montpellier. Pour accompagner les mutations du secteur, la Région Bourgogne a créé des « ateliers régionaux pour le développement de l’ESS » , et la Région Paca mettra en place en 2009 un « dispositif régional d’accompagnement de projets d’ESS ».
« Il y a des Régions plus avancées que d’autres sur ce secteur. Certaines ont pris en charge cette compétence depuis peu, constate Christiane Bouchart. La Région Nord-Pas-de-Calais, qui depuis 2003 soutient l’ESS, y compris dans les contrats de plan, a pour sa part intégré ce secteur dans les schémas régionaux de développement économique. »
Ce manifeste affiche de grandes ambitions économiques. Les moyens suivront-ils ? Il démontre en tout cas que les alternatives ne manquent pas, même en temps de crise.

Temps de lecture : 4 minutes