Vingt-quatre heures… et après ?

Avec l’appel unitaire du 29 janvier, les organisations syndicales entendent gagner en légitimité auprès des salariés. Mais, en coulisses, les divisions demeurent.

Pauline Graulle  • 29 janvier 2009
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À crise économique inédite, mobilisation historique. C’est le message qu’ont voulu faire passer les organisations syndicales en appelant à une grève générale interprofessionnelle et à des manifestations dans toute la France le 29 janvier. Un front syndical uni qu’on n’avait pas vu depuis trois ans et le mouvement contre le CPE.

Illustration - Vingt-quatre heures… et après ?

François Chérèque s’est rallié à la journée d’action du 29 janvier. Cerles/AFP

Les huit (CGT, CFE-CGC, CFTC, CFDT, FO, Unsa, SUD-Solidaires et FSU) ont même rédigé une plateforme commune pour dénoncer la responsabilité de la politique du gouvernement dans le bourbier économique actuel. Et se sont entendus sur quelques propositions pour « surmonter » la crise : abandonner la « politique aveugle » des suppressions de postes dans les services publics, conditionner les allégements de cotisations sociales patronales à la préservation de l’emploi et des salaires, soumettre le secteur bancaire aidé au contrôle de l’État, retirer la proposition de loi sur le travail du dimanche, etc.

Pourtant, derrière les apparences consensuelles de cette union, s’est tramé en coulisses un jeu stratégique complexe. Alors que 69 % des Français se sont dits favorables à la mobilisation, il s’agit d’abord pour les syndicats de gagner en légitimité auprès de salariés dont le mécontentement grandissant face à la politique actuelle (voir Politis n° 1036) peine à s’incarner dans le virage réformiste pris par les grandes confédérations. Une défiance de la base plus que jamais révélée par les résultats aux élections prud’homales de décembre dernier : « Les syndicats se retrouvent dos au mur car ils ont tous subi un nouveau revers aux prud’homales. Contrairement au discours officiel, même la CGT, arrivée en tête avec 33,56 % des voix – soit 1,5 point de plus qu’en 2002 –, a perdu 120 000 électeurs en valeur absolue, ce qui démontre une érosion continue de son audience » , analyse Dominique Andolfatto, chercheur spécialiste du syndicalisme.

Quant à la CFDT, l’hémorragie de 300 000 voix aux prud’homales a suscité un choc en interne. « Il y a eu un “avant” et un “après” prud’homales à la CFDT, note Annick Coupé, porte-parole de Solidaires. Il y a six mois, elle n’aurait jamais signé la déclaration commune du 29 janvier. » Le ralliement au mouvement était donc une question de vie ou de mort pour la confédération, qui tente de donner les signes d’une plus grande pugnacité vis-à-vis du gouvernement. Un changement de ligne des plus hypothétiques puisque l’organisation de François Chérèque vient de signer, seule, la très régressive convention d’assurance-chômage. Et se retrouve dès lors de plus en plus isolée sur l’échiquier syndical.

Derrière cette coalition de circonstance poussée par l’appel de la rue, les syndicats restent toujours aussi divisés sur le fond. Des différends qui pourraient bien ressurgir de manière éclatante le 2 février, date à laquelle les syndicats se sont donné rendez-vous pour décider des suites à donner au mouvement. « Solidaires poussera sans doute pour une grève reconductible, tandis que la CFDT va probablement freiner des quatre fers » , pronostique Jean-Michel Denis, chercheur au Centre d’études de l’emploi. Bref, après le 29 janvier, les guerres intestines pourraient reprendre de plus belle en période d’élections professionnelles. Avec un enjeu crucial : les organisations syndicales doivent réaliser au moins 10 % des suffrages dans les entreprises pour être représentatives. De quoi augurer une bataille sans merci, notamment lors des élections, très symboliques, qui auront lieu en mars à la SNCF.
« Dans tous les cas, les syndicats ont beaucoup à perdre : si la mobilisation du 29 est forte, ils n’auront pas le droit de décevoir les salariés, sinon, ils se tireront une balle dans le pied » , ajoute Jean-Michel Denis. Mais, d’un autre côté, le texte commun, fruit du compromis, apparaît un peu trop fourre-tout pour trouver un écho réel auprès d’un gouvernement qui fait la sourde oreille depuis deux ans. Si la mobilisation ne fait pas bouger la politique gouvernementale, espérons qu’elle fasse au moins évoluer les syndicats.

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