Gaza. Dans les coulisses du mouvement national palestinien.

Denis Sieffert  • 5 février 2009 abonné·es

Voilà un livre qui tombe, hélas, à point nommé. Comme si son auteur avait pressenti l’actualité tragique de ces interminables journées de sang et de mort.
Le Gaza d’Hassan Balawi n’est pas un livre d’actualité, mais il permet de comprendre l’actualité. Le mérite de l’auteur est de nous dire d’emblée d’où il parle. Ce journaliste, parfaitement francophone, que nous connaissons bien à Politis , se dit lui-même « enfant de l’OLP » . C’est un nationaliste palestinien laïque. Autant dire qu’il aurait pu instruire le dossier Gaza à charge contre le Hamas. Ce n’est jamais le cas. Balawi, qui reconstitue la longue histoire géopolitique de cet étroit territoire, depuis Saladin (1138-1193), le Kurde qui en avait fait une base stratégique, traite la situation actuelle avec assez de distance pour que la vérité, nous semble-t-il, y trouve son compte. Il n’épargne pas, notamment, le « système Arafat » . Il nous propose une lecture politique de l’ascension du Hamas résultant de l’échec du processus d’Oslo.

La répression israélienne et la volonté de ruiner le pouvoir d’Arafat sont pour beaucoup dans la progression du mouvement islamiste. Balawi montre combien l’enfermement d’Arafat à la Mokata, début 2002 à Ramallah, et l’anéantissement de tous ses moyens de communication lui ont fait perdre prise sur les événements, tandis que la propagande américano-israélienne n’en finissait pas de le tenir pour responsable des attentats. Le Hamas a prospéré sur cette stratégie israélienne, confortée par la dérive mafieuse du Fatah, plus encore à Gaza qu’en Cisjordanie. Balawi parle d’un « gangstérisme » rendu possible par des compromissions avec Israël.
L’autre grande explication de la crise interpalestinienne, qui conduira à la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza, en juin 2007, nous renvoie à la victoire du mouvement islamiste aux élections législatives de janvier 2006. Si le scrutin ne fut pas contesté, ses conséquences, elles, le furent. L’aide européenne s’est tarie, privant les fonctionnaires de leurs salaires, tandis que le président Mahmoud Abbas se refusait à confier les instances sécuritaires au Hamas. Celui-ci en est venu à créer sa propre milice. On était passé d’une cohabitation « à la française » , note Balawi, à une situation de double pouvoir. Pour expliquer « le coup de force du Hamas » contre le Fatah, Balawi use d’un proverbe arabe : « Le manger au déjeuner avant d’être mangé au dîner. » C’est donc le Hamas qui a dégainé le premier dans un affrontement devenu inévitable. Et Balawi fournit une explication qui évitera au lecteur de céder à la tentation du manichéisme : Mohammed Dahlan (le chef local du Fatah, suspecté de trop bonnes relations avec Israël) était « haï par un grand nombre de militants du Fatah. Aucun d’entre eux n’avait envie de mourir pour lui » . S’il est vrai que les torts sont partagés, il est non moins vrai que le Hamas, au nom de l’impératif sécuritaire, s’est ensuite comporté comme un régime autoritaire. À propos des tirs de roquettes, prétextes à la sanglante offensive de décembre dernier, Balawi a le mérite de rétablir une vérité qui a fait défaut dans nos médias. Le Hamas a tout fait pour respecter la trêve, jusqu’à traquer les tireurs de roquettes qui n’obéissaient pas à ses ordres. Mais, en l’absence de la contrepartie annoncée par Israël – le desserrement du blocus –, il a fini par laisser faire…

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