Justice impossible pour Jacques-Marie Bourget

Blessé à Ramallah par une balle israélienne, un journaliste cherche depuis des années à obtenir réparation : un parcours semé d’embûches.

Sébastien Fontenelle  • 26 mars 2009 abonné·es

Le 21 octobre 2000, à Ramallah (Cisjordanie), où il couvre la deuxième Intifada, Jacques-Marie Bourget, alors grand reporter à Paris Match , reçoit dans le poumon une balle de
M-16 israélienne. Les médecins palestiniens préconisent son transfert immédiat vers un hôpital de Jérusalem : les autorités israéliennes refusent. Opéré en catastrophe à Ramallah, le miraculé peut ensuite être évacué vers la France. Un avion médicalisé doit le récupérer à l’aéroport Ben-Gourion. Là encore, les Israéliens refusent de le laisser passer : il faudra une intervention téléphonique de Jacques Chirac en personne pour que le journaliste puisse être enfin rapatrié. Les médecins français diagnostiquent une « atteinte irréversible du poumon gauche » , ainsi que « de multiples fractures » et une « atteinte nerveuse » qui « laissent là aussi un handicap irréversible »  : Bourget passera quinze jours en réanimation, et restera hospitalisé deux mois.

En 2001, il porte plainte (contre X) pour tentative d’homicide. Il demande aussi à bénéficier du Fonds d’indemnisation des victimes des actes de terrorisme, qui vient en aide aux Français ayant subi à l’étranger des « faits présentant le caractère matériel d’une infraction » , qu’il s’agisse d’ « actes volontaires » ou de « comportements d’imprudence ou de négligence de l’auteur de l’infraction » . Le ministère des Affaires étrangères l’envoie promener, considérant qu’il a bel et bien été « gravement blessé par un tir de l’armée israélienne » , mais que ce tir n’était ni une infraction, ni une négligence : plutôt un (regrettable) dommage collatéral « dans le cadre d’une mission de maintien de l’ordre » en Cisjordanie colonisée…

Les autorités israéliennes, quant à elles, font valoir, un, qu’elles ont mené une enquête approfondie, mais que le dossier a été (bêtement) égaré. Deux, qu’en tout état de cause, même s’il n’avait pas été (sottement) perdu, un tel dossier eût été couvert par le secret militaire. Trois, que c’est forcément un Palestinien qui a tiré sur le journaliste. Circulez, y a rien à voir. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, semble ignorer les conventions d’entraide judiciaire entre l’Europe et Israël, et se contente de ces burlesques explications : de son point de vue, il est impossible de contraindre les Israéliens à mieux coopérer. Nicolas Sarkozy, sollicité par l’avocat de Jacques-Marie Bourget, a pour sa part négligé de lui répondre – manifestement plus soucieux du sort du soldat Shalit que de celui du journaliste Bourget. Celui-ci a tout de même saisi la Cour suprême d’Israël : affaire à suivre.

Monde
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