Malheureuse nature

La biodiversité, ce n’est pas seulement les espèces protégées, c’est aussi la nature « ordinaire » Une gageure à l’heure où l’on marchandise même les paysages. La Fête de la Nature, les 16 et 17 mai, sensibilisera à ces questions.

Patrick Piro  • 14 mai 2009
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Malheureuse nature

Existe-t-il une notion aussi essentielle et absconse que la biodiversité ? Cette chimère lexicale a été inventée pour donner à percevoir l’incroyable profusion des espèces vivantes, du plus discret unicellulaire à la plus menacée des baleines, mais aussi l’inconcevable maillage de relations qu’elles entretiennent entre elles et avec les milieux, sans parler de la cuisine secrète qui se concocte entre les gènes. On appelle aussi ça « la vie »…
Cette fin de semaine, des centaines d’associations animeront la 3e Fête de la nature, conviant ces particuliers qui entretiennent chez eux un petit coin de nature à y participer. Alors que presque tous les (maigres) efforts publics sont canalisés vers la protection des espèces animales emblématiques – l’ours, le lynx, etc. –, c’est l’occasion d’expliquer que la sauvegarde de la nature « ordinaire » est essentielle à l’équilibre de la vie. Un message hélas encore très peu audible.

Si le rapport « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » du Centre d’analyse stratégique, présenté il y a deux semaines, révèle combien la France est « biodiverse », ce n’est que pour tenter de définir une valeur économique à ce pactole, afin de susciter l’intérêt des décideurs pour la biodiversité. Ainsi, on reste perplexe d’apprendre qu’un hectare de forêt « vaut » 970 euros par an, et une prairie 600.
Après le succès planétaire du rapport Stern pour calculer le coût du « laisser-faire » en matière de dérive climatique, certains écologistes se rendent à cette logique. Elle est même inscrite au Journal officiel du 12 avril 2009 : adoptant une liste de termes relatifs à l’environnement, au paragraphe « biodiversité », il est souligné que son maintien « est une composante essentielle du développement durable ».
À l’ère de l’hypermarchandisation, on ne peut qu’être préoccupé par les tentatives d’administrer désormais à la nature ces vieilles recettes empoisonnées.

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