Avignon off

Politis  • 17 juillet 2009 abonné·es

Projection privée

Rémi De Vos imbrique diverses aliénations dans sa Projection privée : l’épouse est une femme trompée qui trompe la vie en ne regardant que les séries américaines, le mari accumule les aventures dans une irréalité totale, et la maîtresse du moment voudrait aimer à la fois le mari et la femme. Tous les trois se mettent à vivre des vies parallèles puis croisées dans le même appartement, où la télévision ne s’arrête jamais et où les êtres humains se programment à peu près comme un écran qu’on fait passer d’un feuilleton à l’autre à coups de télécommande. Farce terrible ! Férocement menée par l’auteur, jusqu’au plus fort des tableaux de société, par De Vos et par le metteur en scène Yves Chenevoy, au style très incisif, tandis que Mathieu Dion, Claudie Arif et Charlotte Blanchard jouent cette triple partition avec une sûre connaissance de l’âme petite-bourgeoise.

Espace Alya, 16 h 40.

Le Terrier

Ce texte de Kafka est très souvent porté au théâtre. Un homme y raconte la façon dont il cherche à se retirer de la société en s’installant dans un terrier. Il juge son installation réussie. Mais l’angoisse revient sans cesse. Il est gêné par tout ce qu’il ne voit pas, au-dessus de lui, à côté de lui, dans d’invisibles galeries. Et un bruit lui indique qu’il a peut-être un voisin, un concurrent indéterminé. Homme ou bête ? On ne sait rien. Hervé Petit, qui joue le texte, dans une mise en scène d’Antoine Roux, pourrait être notre frère en inquiétude et en pathétique. Il est aussi très physique dans un jeu d’éloignements et de rapprochements. Subtilement clair et obscur !

Collège de la Salle, 14 h 20.

La Pleurante des rues de Prague

Le récit de Sylvie Germain suit les pas d’une femme dans Prague (photo ci-contre) : ils la mènent dans un livre, dans l’invisible. Quand ils la mèneront hors du livre, la violence de la réalité sera trop forte, ainsi que tout ce qu’elle porte en elle, la vie et les écrits de Bruno Schulz, les enfants de Terezin… Une actrice, Claire Rupli, a pris le parti de monter à la scène et de jouer seule ce livre quasiment impossible à transposer. Elle y parvient grâce une interprétation très musicale. On ne saura jamais vraiment si elle est un être de chair ou irréel. « Aller à la rencontre des autres qu’on porte en soi et qui y ont laissé des traces » , écrit Sylvie Germain. C’est cela, l’interprétation de Claire Rupli, qui ne dévoile les secrets de l’être qu’en se cachant. C’est du théâtre limite. On pourra le juger trop littéraire, mais c’est une étonnante partition que joue l’actrice dans l’étroitesse mystérieuse de la chapelle Sainte-Claire.

Théâtre des Halles, 17 h.

Culture
Temps de lecture : 3 minutes