Convergences et divergences

Jean-Luc Mélenchon et Clémentine Autain esquissent des programmes pour l’autre gauche. À verser au débat.

Denis Sieffert  • 8 octobre 2009 abonné·es

Voici deux petits livres – petits par leur pagination, s’entend – qui traitent peu ou prou le même sujet : l’autre gauche. Leur parution quasi simultanée n’est pas dépourvue de sens. La question est d’actualité. Certes, la nécessité de reconstruire une gauche « de gauche » ne date pas d’aujourd’hui ; ce qui est récent, en revanche, c’est l’espoir. Un retour d’espoir fondé sur une réalité qui bouge plutôt dans le bon sens, en France, en Allemagne et au Portugal, notamment. Jean-Luc Mélenchon ( l’Autre Gauche ) et Clémentine Autain ( Transformer, à gauche ) ont au moins un point commun dans leur démarche : leur réflexion est solidement inscrite dans la réalité. Si l’utopie y a sa place, le président du Parti de gauche et la directrice du mensuel Regards pratiquent l’art du possible. Leurs propositions programmatiques s’appuient sur l’expérience. S’il y a là des convictions, des engagements sociaux et un parti pris de répartition des richesses qui rompt avec le néolibéralisme et avec la logique capitaliste, il n’y a pas de dogmatisme. Pour preuve, la façon dont Clémentine Autain aborde la question des services publics sans verser dans un nouvel étatisme mais en développant la notion d’appropriation sociale.

Les deux démarches se rapprochent aussi par la claire volonté de leurs auteurs de « transformer le réel ». Autrement dit, de gouverner. D’où la nécessité de convaincre : « Un projet devient crédible dès lors qu’une masse critique d’individus s’en revendique » , écrit Clémentine Autain. Mais les différences et les divergences ne manquent pas. Clémentine Autain veut « fédérer » . Ce qui n’étonne point pour l’une des porte-parole de la toute jeune Fédération « pour une alternative sociale et écologique ». Jean-Luc Mélenchon n’étonnera pas davantage en défendant la conception du « parti creuset » . Son approche est subtilement dialectique. On se fond dans le Parti de gauche, mais à partir d’une histoire et d’un patrimoine diversifiés. L’histoire et le patrimoine de toute la gauche et du mouvement écologique. « À gauche, nous prenons tout, nous répondons de tout », lance-t-il. Plutôt dans le « fusionnel » que dans le « fédératif », Mélenchon n’en appelle pas moins au rassemblement, lui aussi, mais au sein d’un Front de gauche qui a déjà préempté l’espace politique. On imagine que Clémentine Autain n’est pas en désaccord. Mais l’un veut « approfondir » le Front de gauche, quand l’autre veut sans doute « l’élargir ». Un débat qui ne saurait gommer des diagnostics finalement proches sur la dérive de la social-démocratie et l’exigence d’une vraie recomposition.

Idées
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