La parole à la salle

Deux spectateurs Acid témoignent de leur attachement à un cinéma indépendant et de leur action en faveur de la diversité.

Politis  • 13 mai 2010 abonné·es

Bernard Rotteleur

À 63 ans, retraité des Assedic depuis 2007, Bernard Rotteleur peut désormais donner libre cours à sa passion du cinéma, venue peu à peu. Même si ses goûts sont larges, il a une prédilection pour les films qui traitent des mouvements du cœur, de la passion amoureuse. Comme Mourir comme un homme (photo), un des films récents soutenus par l’Acid, qui l’a touché.
Le cinéma, pour Bernard Rotteleur, doit d’abord rester un objet d’étonnement. Les films qui se ressemblent, obéissant aux mêmes ficelles, ne sont pas pour lui. Il préfère la surprise, la singularité. Il a une belle expression pour désigner une telle rencontre : c’est « le film que je n’attendais pas ».
À Valenciennes, où il habite, il aimerait pouvoir parler de ces films avec ses amis. Mais ce n’est pas facile, car malgré des salles de qualité non loin de chez lui, le Métropole et le Majestic à Lille, le Méliès à Villeneuve-d’Ascq ou le Plaza Art à Mons, en Belgique, ces films ne sont pas suffisamment montrés, exposés. D’une certaine manière, le réseau des spectateurs Acid lui était voué. Il en fait partie depuis quelques mois. C’est pour lui un véritable engagement. « J’ai ressenti la nécessité d’entrer en résistance pour la sauvegarde du cinéma indépendant, explique-t-il. Si nous, les spectateurs, nous ne réagissons pas et ne nous assemblons pas, il n’y aura plus de place pour les vrais films d’auteur et l’on subira la seule loi du marché. » Pour l’instant, il fait la promotion autour de lui des films Acid. Par mails, notamment, envers ses camarades d’Attac, dont il est membre aussi. Mais « le réseau est encore dans ses fondations », dit-il. ­D’autres actions sont envisageables. Il accepterait, par exemple, de distribuer des brochures « spectateur Acid » à l’issue de projections dans les salles à la programmation exigeante. Bernard Rotteleur est un vrai militant. Pour la diversité du cinéma.

_C. K.

Chantal Pessiot

Chantal Pessiot n’aime pas les films violents, « la vie est bien assez difficile… » Aussi, les Murmures du vent (photo), de Shahram Alidi, sur le génocide des Kurdes d’Irak, elle n’est pas sûre de le revoir, mais ne regrette pas de l’avoir vu. Convient du paradoxe : « On souffre, mais on est content, parce qu’on apprend, on comprend… Et beaucoup mieux qu’aux infos parce que ça passe par des gens…» Avant, elle ne mesurait pas le travail que représente un film. Elle y pense tout le temps depuis qu’Élise Devernoix a tourné Dans nos déserts dans son restaurant, le Resto-grill Z, à Champniers, en périphérie d’Angoulême, où elle sert des grillades depuis quarante-cinq ans. C’est comme ça qu’elle a découvert l’Acid, et les deux salles arts et essai de la Cité internationale de la bande ­des­sinée (Cibdi). Elle va encore au multiplexe : « Ça n’empêche pas… », car elle a un bel appétit de films. Va se faire une toile « le plus souvent possible », et entraîne les commerçants de son quartier. Presque un petit club au sein duquel elle fait tourner les dépliants de l’Acid, qu’elle distribue aussi aux clients. « Après la séance, on s’installe en terrasse et on discute… »

Chantal a découvert le cinéma petite, avec sa mère, et James Dean. « J’ai plus de 60 ans. À l’époque, il y avait peut-être sept cinémas à Angoulême. » Contre deux aujourd’hui : le Mega CGR et la Cibdi. « La différence, c’est un peu la même ­qu’entre mon petit restaurant et les grandes chaînes… » C’est pourquoi elle est devenue spectatrice Acid : le bouche-à-oreille, elle sait combien c’est important.

_I. M

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