Un carrefour de débat entre social et politique

Claude Debons, du Parti de gauche, présente la nouvelle revue « Les Temps nouveaux », dont il est l’un des initiateurs.

Sylvain Quissol  • 9 septembre 2010 abonné·es

Politis : Dans la constellation de revues de sensibilité anticapitaliste, quelle est la spécificité des « Temps nouveaux » ?

Claude Debons : Les fondateurs sont notamment des militants issus du mouvement social, syndical, associatif, altermondialiste. Ce mélange autour de responsables syndicaux s’inscrit dans la volonté de reconstruire des perspectives en croisant les approches. On ne peut pas se contenter de résister à la contre-révolution libérale sans avoir une perspective plus globale. On doit reprendre des confrontations fructueuses, réfléchir à ce qui bouge dans le mouvement social et dans le champ politique à gauche. Nous voulons être un carrefour de débat entre social et politique.

C’est pour cela que la revue fait appel à des militants ?

Les fondateurs ne sont pas que des militants syndicaux et associatifs, mais aussi des économistes, des sociologues, des historiens qui travaillent de longue date avec le mouvement social. Ils sont engagés à la Fondation Copernic, à Attac, ou travaillent avec les organisations syndicales ou de chômeurs. Ils agissent sur des registres communs à travers une réflexion sur les politiques libérales dans un contexte mondialisé, et sur le modèle alternatif qui pourrait être opposé. Face aux transformations du monde, il faut repenser la politique à gauche, entre défense des droits conquis et innovations, pour relever les nouveaux défis, notamment écologiques. Sans oublier la nécessaire dimension internationale. Malgré les avatars divers du socialisme, la nécessité de dépasser le capitalisme perdure. Une nouvelle perspective d’émancipation doit être ouverte, qui réponde aux exigences démocratiques, sociales, environnementales, et d’égalité entre les hommes et les femmes. Sur toutes ces questions, les mouvements de lutte ne se contentent pas de résister mais proposent. À l’image de ce qui se fait sur les retraites.

À qui vous adressez-vous ?

Aux résistants qui sont dans les mouvements sociaux et qui cherchent des outils pour comprendre les transformations et les contradictions du monde, et pour le transformer. D’autres revues existent à gauche, mais elles sont souvent plus théoriques ou moins généralistes. Nous voulons essayer de faire une revue exigeante dans son contenu mais populaire, lisible par tous les militants. Il faut aider à reconstruire de nouveaux repères collectifs. Les bouleversements n’ont pas été seulement capitalistes, financiers ou environnementaux : ils ont été aussi idéologiques. La conscience de classe formait naguère le socle culturel partagé par tous les progressistes. Les réformes libérales l’ont affaibli, avec la volonté d’individualisation et de concurrence, tout comme l’échec des expériences politiques du passé. Sans cette conscience collective partagée par le plus grand nombre, et des intérêts communs à défendre, il ne peut y avoir de dynamique populaire ni de transformation sociale.
Une autre dimension consiste à donner des perspectives aux résistances d’aujourd’hui pour qu’elles ne s’enlisent pas, ne se découragent pas. Des propositions existent, mais trop cloisonnées. Sans irruption des luttes sociales dans le champ politique, il n’y aura pas revivification du débat pour la transformation sociale.

Pourquoi les luttes devraient-elles porter des perspectives politiques ?

Des changements profonds de la société ne peuvent venir que d’une combinaison entre des transformations institutionnelles et des transformations à dynamique autogestionnaire, portées par les mobilisations. Les changements, s’ils ne sont qu’octroyés par une « bonne » action gouvernementale, ne durent pas. En 1981, après la mise en œuvre de toute une série de mesures prévues dans le programme commun, aucune mise en mouvement de la société n’a investi ce changement pour le pousser plus loin, élargir sa portée. Très vite, la dynamique s’est essoufflée et a fini par se retourner. A contrario, difficile de changer la société sans prendre le pouvoir. Il faut élargir l’intervention des citoyens dans différents domaines à travers la démocratie économique, l’appropriation sociale, le développement de l’économie sociale et solidaire. Des expériences comme les Amap ont une portée subversive importante. Mais ces expériences, pour atteindre la plénitude de leur efficacité, ont besoin de transcriptions institutionnelles relatives. C’est une dialectique qui serait productrice de dynamique.

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