Au pied du mur

Malgré son avantage militaire, le camp Gbagbo est fragilisé par les sanctions internationales.

Ivan du Roy  • 23 décembre 2010 abonné·es

Une fois n’est pas coutume, les sanctions internationales n’ont pas tardé à tomber. L’Union européenne a décrété le 20 décembre l’interdiction de visas pour Laurent Gbagbo, son épouse et une partie de son entourage proche. Le Conseil de sécurité de l’ONU a, lui, brandi la menace de sanctions ciblées et envisage l’envoi de troupes supplémentaires pour renforcer les 8 500 casques bleus présents, auxquels s’ajoutent les 900 soldats français de l’opération Licorne. La Cour pénale internationale sera également saisie en cas de violations graves des droits humains à l’encontre des civils et d’attaques contre les forces de maintien de la paix.

La polémique autour du scrutin s’est déplacée sur le terrain militaire. Chacun fourbit ses armes et compte ses troupes. Le clan Gbagbo détient pour l’instant la maîtrise de l’armée ivoirienne, environ 10 000 militaires et gendarmes dont l’équipement a été amélioré après l’éclatement de la rébellion au Nord en 2002, ainsi que des miliciens, notamment dans l’ouest du pays, et quelques mercenaires étrangers. En face, les ex-rebelles des Forces nouvelles, qui soutiennent Alassane Ouattara, peuvent compter sur 4 000 hommes légèrement armés. Ils contrôlent le nord du pays et ont étendu leur influence dans plusieurs banlieues populaires d’Abidjan. Tous les ingrédients pour qu’éclate une nouvelle guerre civile sont donc réunis.

Quelques lueurs d’espoir subsistent cependant. Si les sanctions internationales s’accentuent, elles pourront affaiblir financièrement le camp Gbagbo, qui sera dans l’incapacité de verser leur solde aux troupes fidèles. Et perdra ainsi son avantage militaire. Il sera alors intéressant d’observer l’attitude des riches partenaires français du président sortant : Bolloré, à qui a été cédée l’exploitation du port d’Abidjan, Bouygues, qui gère l’eau et l’électricité, Total, qui a investi dans la prospection pétrolière. Acculé, Gbagbo assumera-t-il le risque de relancer une campagne xénophobe ? Menée au nom du concept « d’ivoirité », une nouvelle chasse aux « étrangers » viserait en priorité Alassane Ouattara – qui avait été exclu du scrutin présidentiel de 2000 pour cause de « nationalité douteuse » – et les musulmans du Nord. Reste que l’assise électorale de l’ancien directeur adjoint du FMI – 54 % des voix, validées par 700 observateurs internationaux – dépasse largement son fief nordiste, grâce notamment au ralliement du successeur d’Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié (25 % des voix au premier tour), originaire du centre du pays. Isolé, Laurent Gbagbo est au pied du mur. Dans le doute, nombre de civils ivoiriens n’attendent pas de voir si la carte de la stratégie du pire va être jouée. Plusieurs milliers se sont déjà réfugiés au Liberia voisin.

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