Danger : Arabes

Sébastien Fontenelle  • 10 février 2011 abonné·es

L’Arabo-musulmanie des rivages nilotes est-elle pour de bon prête pour la démocratie ? La mérite-t-elle bien ? Que nenni, mâme Dupont, répondent nos meilleurs penseurs – car là-bas les indigénats sont très largement faits d’Arabes menteurs et musulmans, et tragiquement sous-éduqués : l’horreur totale, quoi.

Menteurs : ces gens-là prétendent qu’Hosni Moubarak fut tyrannique, et son régime, totalitaire. Mais en vérité : non. En vérité : le Moub ne s’est pas tant singularisé par une « obsession dictatoriale » , comme le prétend l’agressive populace qui depuis trop de jours se masse aux terre-pleins des places du Caire (l’impudente plèbe va jusqu’à fantasmer qu’il aurait durement réprimu [^2] les Frères musulmans !), que par le trop de bonhommie où le piégea son goût de la « cohabitation » . Résultat : le Moub, en vrai, « s’affaiblit »  [^3], non d’avoir trop garrotté le protestataire, mais bien plutôt «  des nombreuses concessions […] qu’il aura été amené à concéder à son opposition islamiste » , contre qui ce naïf humaniste a même « relâché la répression »  [^4] – explique sans rire Alexandre Adler, du Figaro de Serge Dassault (de l’UMP), qui pourrait de loin passer pour une espèce d’imprécateur halluciné, mais en qui ses pair(e)s de l’éditocratie voient, open the guillemets, un «  Balzac de la géopolitique »  [^5]. Puis de conclure – évidemment – que sur cette base le boutage de Moubarak prépare, non l’avènement de libertés chèrement conquises, mais « une dictature islamiste au Caire » .

Sous-éduqués, puisqu’en effet « il serait absurde » , mâme Dupont, de nier que, durant que les Tunisiens(ne)s, par exemple, ont tout de même acquis (sans doute parce qu’on les y aida, quand nous leur fîmes des routes) une certaine « maturité » , doublée d’une convenable « culture politique » et d’une décente « alphabétisation » , les arriéré(e)s chroniques des « zones rurales de Haute-Égypte » et de « la mégalopole du Caire » (les Arabes des villes et des champs, donc) sont demeuré(e)s demeuré(e)s – narre Bernard-Henri Lévy, dans le Point . Puis de suggérer que, dès lors, ces nœuds voteraient facilement pour les islamistes.

Musulmans : Alain Finkielkraut, dont Libération a recueilli l’avis, « espère » bien sûr qu’il y a une « tradition démocratique » en Égypte, et plus généralement que « les peuples arabes » ne sont pas « par nature incapables de vouloir la démocratie » – mais il « n’en » est « pas » du tout « sûr » , car il a constaté qu’ « en Égypte les manifestants s’interrompent pour faire la prière » , et que par conséquent leur « mouvement démocratique » pourrait bien mettre « fin aux libertés démocratiques » .

Adoncques, mâme Dupont, nos clercs préférés jugent que trop de libertés nuiraient au Caire aux libertés, et ma foi, je crois qu’ils ont raison : l’autre explication serait qu’ils sont pétris de dégueulasses phobies, mais cela, je me refuse, quant à moi, à l’envisager.

[^2]: Avec un « u », comme dans barbu.

[^3]: Tout seul, donc – et non sous l’effet d’une quelconque poussée populaire.

[^4]: Quand il eût pu l’hacher complètement, puis mettre au Nil ses derniers lambeaux.

[^5]: Libération, 8 août 2002.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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