« Anarchy in the UE »

Denis Sieffert  et  Christophe Kantcheff  et  Jean-Claude Renard  • 28 juillet 2011 abonné·es

Illustration - « Anarchy in the UE »

Si Anémone pouvait voir arriver le premier tour avec une certaine tranquillité, elle n’était pas complètement satisfaite. Elle savait que plus elle ferait un résultat élevé, plus ses chances au second tour étaient réelles. Elle n’avait plus qu’une vingtaine de jours pour réaliser ce qui avait toujours été son objectif : « l’union de la vraie gauche ». Mais comment y parvenir ? Mélenchon l’avait affirmé dans Politis  : il irait « jusqu’au bout ».



Le hasard, c’est entendu, fait très bien les choses. Le dimanche suivant, entourés de leur staff et d’une nuée de journalistes, Anémone et Jean-Luc Mélenchon se retrouvèrent nez à nez sur le même marché du Xe arrondissement de Paris, boulevard de La Villette. Les deux candidats, qui ne s’étaient pas encore parlé depuis le début de la campagne, se saluèrent courtoisement et engagèrent la conversation :

– Salut.

– Bonjour Anémone. Tout va bien ?


– Bah, écoutez, comme souvent quand je suis sur un marché à Paris, j’en crois pas mes yeux quand je regarde les prix !


– Ah oui. Oui, oui, bien sûr.


  • Non mais vous avez vu le prix des poireaux ? 2,70 euros, c’est du délire ! Et les choux-fleurs, à 2,40. Et dire qu’on est dans un quartier prétendument populaire !


– Étonnez-vous ensuite que les Français ne mangent pas suffisamment de légumes !


– Bah tiens ! Et encore, tout ça n’est pas bio. Comment voulez-vous que la plupart des gens fassent avec leurs salaires misérables !
Anémone s’échauffait.


  • Et venez donc jeter un coup d’œil sur le prix des fraises et des framboises, Jean-Luc.
Disant cela, elle se dirigeait vers l’autre côté de l’étal, quand, soudain, elle roula sur une carotte tombée par terre et perdit l’équilibre. Jean-Luc Mélenchon se jeta immédiatement pour lui éviter la chute.


– Ne vous inquiétez pas, Anémone, je vous soutiens.


Les journalistes s’étaient rués avec leurs caméras et micros.


– Comment ?, demanda l’un d’eux.


- Jean-Luc Mélenchon me soutient, déclara, malicieuse, Anémone, dans les bras du candidat du Front de gauche, qui comprit immédiatement l’astuce et le piège. Contredire Anémone en la circonstance eût été indigne d’un gentleman et désastreux pour son image.


L’union de la vraie gauche était scellée.



Le dernier meeting avant le premier tour, au Zénith de Toulouse, fut un feu d’artifice. Dans la salle, pleine à craquer, l’ambiance était la même qu’un soir de victoire du bouclier de Brennus par le Stade toulousain. Beau joueur, Mélenchon avait donné le meilleur de lui-même, et Duflot avait fait chanter la salle sur l’air, pas facile, d’­Anarchy in the UK, célèbre chanson des Sex Pistols, adaptée pour la circonstance en « Anarchy in the UE », UE pour Union européenne. Anémone, quant à elle, était rayonnante, et son discours fut ovationné pendant seize minutes sans interruption. Seule la crise de cystite qui tenaillait Turlutte modérait un peu son plaisir. Mais elle avait pris avec elle le médicament qui le soulagerait. Elle lui donnerait de retour à l’hôtel.


Sarkozy : 24 %, Anémone : 39 %. Les résultats du premier tour dépassaient toutes les espérances. 39 % ! Aucun candidat à la présidence de la Ve République n’avait obtenu un tel score au premier tour ! Mieux : Anémone disposait de réserves de voix : Hollande était crédité de 7 %, le représentant du NPA de 2,5 % et celle de LO de 1,5 %. Tandis que Marine Le Pen atteignait péniblement les 11 %, et que les « pieds nickelés » ne se départageaient pas avec 4 % chacun. Ce n’était pas encore gagné, mais la situation était propice pour que s’enclenche la fameuse « dynamique » d’entre-deux-tours.

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