Des accents gaulliens


Denis Sieffert  et  Christophe Kantcheff  et  Jean-Claude Renard  • 28 juillet 2011 abonné·es

Illustration - Des accents gaulliens


« Les avoir tous sur le dos » était une expression qui revenait souvent dans la bouche de Mélenchon. C’est assurément son côté gaullien. Ses proches ne méconnaissaient pas cette facette du personnage. Les autres l’avaient découverte par hasard, au soir du meeting de la place Stalingrad qui lança sa campagne présidentielle, en juin 2011. Un meeting en plein air qui, pour des raisons d’acoustique, l’avait contraint à une lecture appliquée et à un phrasé lent et appuyé. Les mots, comme emportés par le vent, produisaient une musique étrangement gaullienne.
Mais le choix des mots n’était pas pour rien dans cette improbable rencontre : l’exaltation patriotique alliée au « temps des caractères », c ela sonnait « résistance ». « Résistance » : encore un mot qui revenait souvent dans son vocabulaire. Il n’y avait donc pas que la musique d’un discours qui s’étirait au-dessus de la foule, il y avait un vrai voisinage avec de Gaulle. Psychologique plus qu’idéologique. Un trait qui n’était pas sans créer l’agacement des Verts. Sur le bureau de Cécile Duflot, on apercevait plus volontiers les œuvres complètes de Jeremy Rifkin et d’André Gorz que les Mémoires du Général.



Ce n’était un mystère pour personne, qu’entre les deux moitiés de gouvernement, c’était parfois tumultueux. « Notre Présidente a quelque chose de commun avec George Bush, aimait à plaisanter Mélenchon, car pour avoir eu l’idée de nous mettre, les écolos et nous, dans le même marigot, il faut être adepte du choc des civilisations. »


Dieu merci, entre les deux, Clémentine Autain, nommée par consensus secrétaire générale de Matignon, jouait admirablement les casques bleus. Elle pouvait même servir d’interprète quand Mélenchon la hélait : « Dis donc, je comprends rien à ce qu’ils me disent, tes amis. Ils ont réussi à se mettre d’accord entre eux sur l’ordre du jour de l’interministérielle ? » Il trouvait chez les Verts comme un « défaut de cartésianisme ». Ce que ces derniers, quand le mot leur venait aux oreilles, prenaient volontiers pour un compliment. Peu portée au positivisme, l’équipe Duflot se méfiait des illusions de la logique. À propos d’oreilles, il faut dire qu’entre les deux ailes de l’hôtel Matignon, où siégeaient les deux Premiers ministres et leurs équipes respectives, les intermédiaires ne manquaient pas. Officiels et officieux. Les officiels, c’était Delapierre et Placé. Naturellement respectueux des usages. Les officieux, c’est assez dire qu’on les désignait de part et d’autre du même vocable : « Les langues de pute ». À cela près que chacun nommait ainsi les missi dominici venus de l’aile opposée. Pour résumer le tout, Yves Cochet, que l’on ne savait pas amateur de football, avait coutume de dire : « Notre équipe de France a de bons ailiers, mais elle n’a ni avant-centre ni gardien de but. »

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