France 3 jamais si bas

Audiences en berne et programmations déplorables. La chaîne a tourné le dos à sa mission de service public.

Politis  • 21 juillet 2011 abonné·es

Cela pourrait devenir un marronnier de l’été : le fiasco de Raymond Domenech. Après la gestion d’une coupe du monde de football catastrophique en Afrique du Sud, l’an passé, l’ancien entraîneur des Bleus a été recruté par France 3 (avec Thierry Rey et Jean-Claude Perrin) pour une télé réalité autour du coaching, « L’Étoffe des champions », un entraînement croquignolet de sportifs du dimanche, à travers une série d’épreuves relevant volontiers d’un air de fête au village, de kermesses à peine héroïques.

Le programme est censé couvrir l’été. Soit 9 semaines, en première partie de soirée. Le premier volet, diffusé le mercredi 6 juillet s’est soldé par un tragique record d’audience : 896 000 spectateurs, et 3,7 % de part de marché, derrière NRJ 12 qui a fait mieux avec une énième rediffusion d’un épisode de la série « Cordier, juge et flic » (1 million de spectateurs et 4,2 % de part de marché). France 3 n’était jamais tombée aussi bas.

À la direction, on estime « que visiblement, le programme n’a pas pris » . Visiblement, c’est le moins que l’on puisse dire. Nouvelle sanction ce mercredi 13 juillet, avec 887 000 téléspectateurs (4,4 % de part de marché), derrière NRJ 12 et W9. Cette étoffe de tocards pourrait bien sauter avant l’heure. France 3 n’en est pas à son premier revers. Les jeux « Nos Années télé », « le Tournoi d’orthographe » et la série « les Kennedy » sont autant d’échecs cinglants, calés dans les bas-fonds des audiences.

Rappelons que Pierre Sled est conseiller au programme de France 3 (par la grâce de Nicolas Sarkozy). À qui l’on doit aussi « Midi en France », animé par Laurent Boyer (l’ami des stars sur M6), ce même Laurent Boyer qui animera à la rentrée une première partie de soirée pour dresser le portrait d’une personnalité de la musique. Tandis que l’on verra également Cyril Viguier (l’associé de David Hallyday, à la tête de la société de production DHCV), pareillement soutenu par l’Élysée, pour un talk-show le vendredi soir (et dont, pari osé, Mireille Darc pourrait être la première invitée).

Parallèlement, France 3 supprime à la rentrée son magazine d’infos, lancé en mai dernier : « Génération reporters », traitant les sujets de société sur le terrain, prévu pour être un mensuel. Et parallèlement toujours, la chaîne externalise son magazine « Pièces à conviction », en promettant qu’il sera toujours possible « pour les journalistes de la rédaction nationale de proposer ponctuellement des sujets de 52 minutes » . Ça ne mange pas de pain. Pour la première fois depuis près de quinze ans, la rédaction nationale de France 3 n’aura pas de magazine de société pour la saison 2011/2012. À l’intérieur de la chaîne, on observe que « l’information a perdu face aux programmes » .

À regarder la grille, il y a de quoi s’interroger. Non pas sur les audiences mais sur le choix des programmes (et leur médiocrité), suivant la dernière ligne éditoriale : « La proximité destinée au grand public » . Le 6 juillet, la Société des journalistes de la rédaction nationale de France 3 publiait une lettre nourrie d’inquiétudes, regrettant « un appauvrissement progressif de l’information dans [ses] journaux. Nous ne voulons pas croire qu’il s’agisse de faire plus simple pour un public qui ne demanderait pas plus que de l’émotion, de l’actualité instantanée en direct ou des conseils d’achat. Notre mission de service public nous impose des devoirs. Devoirs d’analyse, de décryptage, de couverture de l’actualité, d’ouverture au monde, de curiosité, etc. Ainsi, pourquoi décider que les téléspectateurs de France 3 seraient plus intéressés par une émission spéciale sur les strass et paillettes de Monaco que par une émission spéciale sur la sécurité nucléaire au moment de la catastrophe de Fukushima ? » .

Et de regretter notamment que le traitement social de l’économie a presque disparu et que le regard sur l’emploi se veut toujours positif. Comme s’il n’y avait « pas de chômage en France, pas de souci sur les conditions de travail » . Des choix éditoriaux curieux. La tranche d’information est réduite à la rentrée, commençant à 19 h au lieu de 18 h 40, tandis que le journal national de 19 h 30 est amputé de deux minutes. « Une impression tenace s’installe, ponctue la Société des journalistes, celle que l’information n’est plus la priorité sur France 3. »

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