Mutuelles : un luxe inabordable

Les mutuelles ne cessent d’augmenter leurs cotisations. Nombre d’usagers, notamment les retraités, renoncent ainsi à une assurance complémentaire. Se pose un grave problème de santé publique

Ingrid Merckx  • 12 janvier 2012 abonné·es

Quatre millions de Français sans couverture santé complémentaire en 2011. Ce chiffre (donné par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé [Irdes]) devrait augmenter en 2012, les mutuelles étant désormais soumises à la taxe sur les conventions d’assurance (TCA). « Cette taxe santé, qui frappe indistinctement les individus et les familles quel que soit leur niveau de revenus, est une manifestation brutale d’injustice sociale quand on sait que le coût de la santé est une des préoccupations majeures de la population » , s’insurgeait la Fédération des mutuelles de France dès août dernier.

La taxation va se traduire par des hausses de cotisations. « Près de 11 % !, alerte Magalie Leo, chargée de mission assurance-maladie au Collectif interassociatif sur la santé (Ciss). Ce qui ferait passer le prix moyen d’une mutuelle de 90 euros par mois à près de 100 euros pour les seniors, par exemple. Ce sont les personnes les plus concernées car, étant retraitées, elles ne bénéficient plus de contrat de groupe ; elles ont des revenus inférieurs à ceux des actifs, et de plus en plus bas ; enfin, leur santé est plus exposée. Certaines vont devoir renoncer à leur mutuelle… »
Entre 1980 et 2008, la proportion de personnes couvertes par une complémentaire était passée, en métropole, de 69 % à 94 %. La complémentaire santé va-t-elle redevenir un luxe ? « On n’a pas encore de recul, précise Magalie Leo, mais c’est à craindre… »

Certains font le pari qu’ils ne vont pas tomber malades. D’autres mettent de l’argent de côté. D’autres, de plus en plus ­nombreux, renoncent à des soins – dentaires, optiques et consultations spécialisées en tête. « Les professions libérales de santé affirment qu’un patient sur deux (53 %) repousse certains soins pour raisons économiques et qu’un quart d’entre eux discutent le prix. Les pharmaciens (75 %) et les chirurgiens-dentistes (63 %) sont les plus nombreux à constater le report des soins ou des achats de produits de santé », souligne le Ciss en évoquant une étude de la société financière CMV Médiforce. Avec la désertification médicale, les spécialistes se raréfient, et les délais d’attente et les dépassements d’honoraires découragent encore plus ceux qui n’ont pas de mutuelle.

Les précaires sont les premiers touchés, et leur nombre augmente. Selon l’Insee, 6 millions de personnes devraient pouvoir bénéficier de la CMU en France, mais seulement 4,5 millions d’allocataires ont été recensés. 1,5 million n’ont pas fait valoir leurs droits.

Des solutions existent, comme « l’aide complémentaire santé » (ACS) ou « chèque santé », mise en place en 2005. Mais, là encore, peu y ont recours alors qu’ils y ont droit. Problème d’information et de la dépense restant à charge.

Peut-on se passer d’une mutuelle ? En 2008, 15,4 % de la population adulte a déclaré avoir renoncé à des soins médicaux pour des raisons financières les douze derniers mois (Irdes). Conséquences : un plus grand recours à l’hôpital, déjà engorgé, et des pathologies aggravées. « Paradoxalement, cette taxation des complémentaires pourrait augmenter les dépenses de l’assurance-maladie » , estime Étienne Caniard, président de la Mutualité française. Les mutuelles remboursent actuellement plus de la moitié des dépenses de soins de premier recours.

Un étudiant sur trois renoncerait déjà à se soigner, prévient l’Unef en évoquant un risque de « crise sanitaire ». Le syndicat étudiant réclame notamment la suppression de la taxe sur les assurances pour les mutuelles étudiantes et la mise en place d’un chèque santé national de 200 euros, accessible à tous les étudiants pour pouvoir bénéficier d’une mutuelle. Vers un plan sanitaire ?

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