Une semaine de 4 ou 5 jours à l’école ?
La question des rythmes scolaires est au centre de toute réflexion sur l’école. Jean-Jacques Hazan estime qu’une semaine trop courte densifie l’apprentissage
et est inefficace. Selon Christian Chevalier, il faut avant tout une concertation sincère avec les enseignants.
dans l’hebdo N° 1205 Acheter ce numéro
La FCPE a engagé depuis février 2009 une campagne, avec le syndicat des inspecteurs de l’Unsa et de nombreux chronopédagogues et chronopsychologues scolaires, contre la semaine des quatre jours, considérant qu’elle était néfaste aussi bien en termes pédagogiques qu’en termes de conditions de travail et d’organisation de la journée elle-même.
Non seulement ce système fatigue les enfants mais, en plus, il est inefficace car il densifie le travail sur trop peu de jours. Nous sommes donc favorables à une semaine de cinq jours, mais, surtout, cinq jours équilibrés. En revanche, selon nous, le choix entre le mercredi et le samedi ne se pose pas vraiment : cette discussion est un peu vaine puisque, en pratique, le mercredi semble devoir s’imposer pour beaucoup de raisons.
La question du temps scolaire elle, est, centrale. Il faut, selon nous, multiplier les occasions de sollicitation de l’apprentissage, et non densifier les apprentissages avec moins d’occasions. Cela signifie qu’il faut plus de jours de classe avec moins d’heures.
Nous réclamons donc des journées qui soient de cinq heures maximum en primaire, six heures maximum dans le secondaire – au collège en tout cas ; au lycée, il peut y avoir des exceptions lorsque les élèves suivent beaucoup d’options, mais cela doit demeurer l’exception.
Il faut aussi garantir à chaque élève une pause quotidienne de quatre-vingt-dix minutes pour déjeuner, alors qu’aujourd’hui des collégiens ne disposent parfois que de trente minutes.
Enfin, nous voulons une année scolaire équilibrée et rallongée, avec des périodes de classe de sept semaines et des vacances d’au moins quinze jours entre ces périodes. Ainsi, les congés de la Toussaint doivent durer quinze jours, et non dix comme c’est le cas actuellement.
Ce qui est très dommageable avec la semaine de quatre jours, c’est qu’on a réduit d’environ 9 % le temps de classe et, en l’occurrence, le nombre de journées, donc d’occasions d’apprentissage, en supprimant vingt-quatre samedis. En fait, on a réduit le « droit scolaire ». Nous avons des journées de six heures qui sont trop longues, et on prétend qu’il faut ajouter une demi-heure aux enfants qui n’y arrivent pas pour qu’ils réussissent.
C’est un peu comme si on voulait soigner les anorexiques en les gavant !
Notre campagne a été un succès puisque, depuis 2009, nous avons largement convaincu, notamment l’Académie de médecine, la Cour des comptes et l’ensemble des partis politiques. Nous avons ainsi obtenu de Luc Chatel la tenue d’une conférence générale sur les rythmes scolaires avec une grande concertation de tous les acteurs. Depuis, personne ne défend plus la semaine de quatre jours, ou du moins n’exprime ses réserves s’il en a.
Avec l’annonce de Vincent Peillon, vont se mettre à nouveau en place une concertation et une réflexion pour définir de véritables projets éducatifs locaux, grâce à une semaine réaménagée. Il faut maintenant reconstruire, et la question des temps scolaires est une des entrées possibles de la refondation de l’école. Pour nous, revient d’ailleurs aussi la question des devoirs à la maison, qui alourdissent la journée et sont un fort facteur d’accroissement des inégalités sociales.
La question du temps scolaire se pose donc sur la journée (et le nombre d’heures d’enseignement) et, surtout, sur l’organisation de l’année complète, avec plus de jours et moins d’heures. Il ne faut pas traiter ce sujet en le considérant par le petit bout de la lorgnette !
Personne ne peut jouer la surprise en voyant le thème des rythmes scolaires occuper d’entrée de jeu le devant de l’actualité de la rue de Grenelle. La proposition du candidat François Hollande de mettre fin à la semaine de quatre jours a été en effet plusieurs fois affirmée au cours de la campagne. Pour autant, elle suscite de nombreuses réactions et interrogations. Ainsi, cette question est diversement appréciée par les enseignants. Se côtoient les adeptes convaincus d’un changement d’organisation, ceux qui s’inquiètent légitimement de l’éventuelle mutation et les réfractaires à toute évolution.
On ne peut plus aujourd’hui esquiver cette question fondamentale de l’organisation des temps d’apprentissage des élèves à l’école maternelle et élémentaire. Elle est complexe et peut heurter. Pour être acceptée par les enseignants, elle doit être comprise par une profession épuisée et déstabilisée après cinq années d’empilement de mesures presque toujours imposées et rarement favorables à une plus grande réussite des élèves.
Dans ce contexte d’hypersensibilité d’une profession qui attend désormais d’être respectée, la question de la méthode de concertation est cruciale. Vouloir boucler un tel dossier multiforme d’ici à la fin juillet, comme l’a annoncé précipitamment le nouveau ministre, n’est ni réaliste ni acceptable. On ne finalise pas un tel processus alors que la plupart des acteurs majeurs sont en vacances ! Sauf à reprendre les méthodes abusives des deux derniers quinquennats.
Ce sujet sera emblématique de la réalité du nécessaire dialogue social prôné par le président de la République et repris par son Premier ministre. Un échec serait de mauvais augure.
Beaucoup d’interrogations restent en suspens. Quelle sera la nécessaire articulation entre les différents temps qui seront réaménagés ? Journée raccourcie ? Année scolaire allongée ? Nouveau cadencement des périodes de vacances ? Le temps global d’heures de classe sera-t-il allongé ou bien rogné ? Qui s’occupera des enfants en dehors du temps de classe ? Est-ce que toutes les communes pourront organiser ce temps hors classe ? Autant de questions qui doivent être soumises au débat contradictoire.
Il est évident que, selon la nature des réponses apportées, les professeurs des écoles feront preuve d’hostilité ou de bienveillance. En tout état de cause, un dispositif qui verrait s’empiler leurs tâches, augmenter leurs horaires et détériorer leurs conditions de travail ne pourrait que rencontrer leur opposition légitime. D’autant plus si, par ailleurs, ils ne voyaient aucune amélioration d’un pouvoir d’achat qui n’a cessé de baisser depuis dix ans.
Enfin, le traitement des rythmes de vie de l’enfant ne pourra rester confiné au sein des seules écoles primaires. Il devra franchir la grille des collèges et des lycées, et s’attaquer aux emplois du temps trop lourds et inadaptés que subissent trop souvent les adolescents. De même, le cœur de ce débat, qui a, au fond, pour objectif de mettre en harmonie les différents temps d’apprentissage, devra prendre à bras-le-corps la question de l’articulation des temps scolaires avec le temps périscolaire.
On le voit, le dossier est complexe. La voie est étroite. Mais, dès lors que la concertation est sincère, que le respect des intérêts communs est assuré, la montagne n’est pas infranchissable.