C’était moins tendu en 1997 !

Les écolos ont connu leur première expérience de gouvernement sous Jospin. Les socialistes, alors, étaient-ils plus conciliants ?

Patrick Piro  • 6 septembre 2012 abonné·es

Deux ministres au gouvernement, comme en 1997, une guérilla sur le dossier nucléaire, une certaine condescendance de la part du partenaire socialiste : par plusieurs aspects, la participation minoritaire des écologistes au gouvernement Ayrault rappelle celle des Verts à l’équipe de Lionel Jospin de 1997 à 2002. On garde de cette époque pionnière pour eux le souvenir de batailles politiques homériques, comme sur la chasse. « Pourtant, paradoxalement, la laisse était moins courte hier qu’aujourd’hui, commente Dominique Voynet, ministre de l’Environnement de 1997 à 2001 et aujourd’hui maire de Montreuil (93). Jospin était plutôt curieux, les socialistes découvraient l’environnement. Il n’est pas intervenu sur la composition de mon équipe et ne l’a jamais commentée. »

Le 5 juillet, Ali Bongo, qui a succédé à son père en 2009 à la tête du Gabon, était reçu à l’Élysée et gratifié d’une poignée de main officielle. En France, les anti-Françafrique ont regretté cette concession qui vaut, selon eux, légitimation d’un président mal élu. Pascal Canfin, ministre délégué au Développement, s’en est tenu à un silence gêné : il n’a pas lui-même rencontré Bongo, alors qu’une entrevue était organisée les jours suivants avec les présidents sénégalais et guinéen, Macky Sall et Alpha Condé. « Il y a effectivement un problème spécifique avec le Gabon », reconnaissait-il dix jours plus tard, avant toutefois de s’astreindre à la « solidarité gouvernementale ». Une position « déplorable », tranche Stéphanie Dubois de Prisque, de l’association Survie. D’autant que Pascal Canfin accompagnait fin juillet son ministre de tutelle, Laurent Fabius, pour une visite officielle au Tchad, dont le président, Idriss Déby, est « un des dictateurs les plus brutaux du continent », selon l’association.
Guy Hascoët, qui a étrenné en 2000 un secrétariat d’État à l’Économie solidaire créé pour l’occasion, a certes vécu les affres d’une installation à moyens très réduits, mais se remémore une mission gratifiante : « J’avais à pousser sur des sujets positifs, pas de dossiers difficiles à tenir, contrairement à mes collègues de l’environnement… » Pourtant, dans le contexte de 1997, la nouveauté de l’écologie n’est politiquement pas si encombrante pour le pouvoir. Voynet se rappelle avoir remporté beaucoup d’arbitrages sur des secteurs peu exposés. Quant aux autres : « Très intéressante proposition, entendais-je commenter, mais… ça ne passera pas auprès de l’Élysée – c’était la cohabitation avec Chirac – ou bien des alliés de la Gauche plurielle. Aujourd’hui, dans une coalition réduite au PS et à EELV, et alors que les socialistes ont les mains libres à tous les échelons du pouvoir, les ministres écologistes, et surtout Cécile Duflot, qui incarne l’histoire récente du parti, sont pris dans un affrontement idéologique direct avec des face-à-face plus durs, d’autant que nous disposons de deux groupes parlementaires, ce qui était loin d’être le cas à l’époque. »

La « dramatisation » socialiste pour obtenir la solidarité des parlementaires EELV lors du futur vote sur la ratification du TSCG rappelle à l’ancienne ministre le contexte de la cuisante défaite de Jospin à la présidentielle de 2002. « Le délitement de la gauche l’a tué, je comprends qu’Hollande veuille se prémunir de l’émiettement de sa majorité, même s’il n’est jamais bon de vouloir mettre ses partenaires sous l’étouffoir. » Car, en octobre 2011, PS et EELV ont signé un accord électoral. Tout comme en janvier 1997, « mais avec une différence fondamentale, souligne Guy Hascoët : il ne s’agissait que d’une ébauche que nous aurions eu le temps de compléter d’ici aux législatives de 1998… ». La dissolution de l’Assemblée nationale par Chirac, trois mois plus tard, précipite le scrutin, tenu en juin 1997. « Nous avions principalement signé l’arrêt du surgénérateur nucléaire Superphénix et l’abandon du canal Rhin-Rhône. Dans cette alliance, par manque de corps, nous sommes apparus comme ceux du “non”. Aujourd’hui, il s’agit de faire comprendre aux socialistes que l’écologie est une politique positive. » Au nombre des similitudes avec l’expérience Jospin, l’ex-ministre de l’Environnement Yves Cochet (2001-2002) redoute, pour sa part, une conclusion naturaliste. « Deux partenaires, dont l’un est plus gros et finit, hélas, par gagner… »

Publié dans le dossier
Les Verts face à leurs contradictions
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