Charlie Hebdo : des caricatures cyniques et désolantes

« Charlie Hebdo » publie de nouvelles caricatures de Mahomet. La liberté d’expression qu’invoque l’hebdomadaire ressemble à un prétexte.

Christophe Kantcheff  • 19 septembre 2012
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Charlie Hebdo : des  caricatures cyniques et désolantes
© Photo Charb : AFP/Fred Dufour

Re-belote. Charlie Hebdo a décidé de publier de nouvelles caricatures du prophète Mahomet dans son édition parue ce mercredi 19 septembre. Et comme en 2006, où l’hebdomadaire avait inauguré le genre et atteint des records historiques de ventes, le numéro s’était déjà envolé de tous les kiosques dès le milieu de la journée. L’exercice est incontestablement profitable, tant sur le plan commercial qu’en termes de buzz. Ce serait pécher par naïveté que de penser que ces considérations n’entrent pas en ligne de compte(s) dans cette récidive.

Ce n’est certes pas sur ce genre de motivations qu’insiste Charb, le directeur de la publication de Charlie Hebdo , mais sur le noble combat que représentent la liberté de la presse et la liberté d’expression. L’argument a pour mérite de mettre en difficulté ceux que ces caricatures affligent ou agressent. Ne serions-nous pas là en présence d’affreux censeurs, militants d’une presse muselée, pisse-vinaigre liberticides que l’humour émancipateur insupporte ?

Pas si sûr. Il manque peut-être quelques subtilités dans la forte pensée du directeur de Charlie Hebdo . « Si on commence à se dire “on ne peut pas dessiner Mahomet”, ensuite il ne faudra pas dessiner des musulmans tout court (…) Si on commence à céder sur un détail, c’en est fini de la liberté d’expression » , a-t-il déclaré sur Europe 1.

Une affirmation qui engendre quelques interrogations. Est-ce « céder sur un détail » que de considérer la liberté d’expression comme n’étant pas l’apanage de l’irresponsabilité ou de l’inconscience ? Est-ce « céder sur un détail » que d’envisager le contexte dans lequel on pratique l’art de la caricature, et qui hélas, au-delà même de la vidéo islamophobe qui a mis le feu aux poudres, prédispose à une assimilation abusive entre islam et islamistes ? Enfin, est-ce « céder sur un détail » que de prendre en compte, dans une société où le racisme anti-arabe et anti-musulmans est galopant, une spécificité de la culture islamique où la figuration du Prophète est plus que problématique ?

Voilà des questions que même les hérauts de la liberté d’expression de Charlie Hebdo n’auraient pas dû négliger. Au lieu de quoi, un journal éminemment satirique s’enorgueillit de publier ces désolantes et cyniques caricatures. Le rire aussi est une affaire d’intelligence.

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