El pueblo unido commence à me fatiguer

Sébastien Fontenelle  • 11 octobre 2012 abonné·es

L’indiscipline des peuples d’ailleurs devient quelque peu fatigante, non ? Ici – je veux dire chez nous –, la plèbe vote à peu près convenablement, si tu regardes. Elle a des fois, c’est vrai, des poussées de populite – qui lui font mettre dans l’urne un bulletin frappé du nom de Mélenchon. Mais, tout de suite après, elle prend les comprimés de Votutil™ que lui a prescrits le bon docteur Joffrin, et tout rentre dans l’ordre : le petit personnel change – entre ici, Jean-Marc Ayrault –, mais les marchés continuent de régner (et les Roms d’en chier).

Tandis que, dès que tu passes sous une ligne imaginaire reliant grosso merdo Dalanzadgad (Mongolie) à Sheridan (Wyoming), tu te cognes tous les trente-cinq mètres dans des indigénats qui n’en font strictement qu’à leur tête – exactement comme s’ils n’avaient jamais lu les 101 Conseils D’Alexandre Adler Pour Une Démocratie Réussie.

En Palestine, remember, on leur avait dit : faut pas voter pour l’Hamas – ou sinon, tu seras puni(e), con(ne) d’Arabe. Et qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont voté pour l’Hamas. En Égypte : pareil. On leur a patiemment expliqué : è pericoloso sporgersi vers les Frères musulmans – essayez seulement, et Tariq Ramadan viendra vous tourmenter. Mais là encore : ils ont fait le contraire de ce qu’on leur avait demandé. (L’arrogance de ces gens, hein ?) En Tunisie : même chose. Caroline Fourest – Caroline Fourest, quand même – en personne a montré aux natifs que, s’ils commettaient la terrible erreur de donner de la voix à Ennahda, vingt siècles d’une abominable sécheresse s’abattraient sur leurs maigres récoltes. Mais les a-ce dissuadés ? Nenni du tout – et les voilà bien emmerdés d’avoir chanté tout l’hiver, si j’en crois les alarmantes nouvelles en provenance d’Hammamet que je lis chaque semaine dans l’hebdrôlemadaire Marianne.

Et bien sûr : il y a le Venezuela. Probablement le cas le plus inquiétant – parce que, là, les mecs savent depuis (au moins) dix ans, s’ils ont du moins fait l’effort de lire les pénétrantes analyses des plus fins commentateurs planétaires des réalités locales (je pense évidemment à Bernard-Henri Giesbert et à Franz-Olivier Lévy), que leur président est un gros salaud de « caudillo » crypto-castriste, du genre, tu sais, qui profite que t’as l’œil fixé vers le petit écran où des présentateurs de jités spécialisés dans le yanquisme te narrent que Las Vegas est l’indépassable horizon de l’humanité pour te collectiviser la santé – aaaah, l’infâme crevure [^2].

Et cependant : ils continuent, imperturbablement, et en dépit des incessantes mises en garde que n’a cessé depuis toutes ces années de leur adresser la presse occidentale, de le réélire – ce dimanche encore, ils lui ont fait un triomphe, exactement comme s’ils n’entendaient nullement se laisser dicter leur conduite par des chiens de garde médiatiques du capitalisme mondialisé. Et personnellement : cette impudence m’hérisse. Alors, pour me consoler, j’écoute Jean-Marc Ayrault chez Elkabbach.

[^2]: Yo, Faysal.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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