Vote des étrangers : un référendum ?

François Hollande a renoncé à lancer un référendum sur le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales. Pour Christophe Castaner, une telle consultation serait risquée : mieux vaut faire évoluer le Parlement par la négociation. Selon Danielle Simonnet, c’est au contraire indispensable, car l’unicité du peuple est en jeu.

Olivier Doubre  • 22 novembre 2012 abonné·es

Illustration - Vote des étrangers : un référendum ?

Si l’idée d’un référendum est séduisante, je pense qu’il faut l’évaluer à l’aune de la situation politique et du risque qu’il induit. La situation politique actuelle, d’abord : on sait que, au cours de la dernière campagne présidentielle, la droite a choisi d’hystériser le sujet. Pas seulement l’extrême droite (il suffit d’aller sur les sites de cette mouvance pour voir qu’ils appellent à un référendum sur la question), mais également l’UMP. C’est d’ailleurs une secrétaire nationale de ce parti qui fut la première à demander un référendum en ce sens en septembre dernier !

On voit que, sur ce sujet, la droite est totalement opportuniste, comme le montre le virage de Nicolas Sarkozy en la matière au cours des dernières années. Si l’on regarde les études d’opinion sur la question, on fait en effet le constat suivant : alors que, en 2010, environ 55 % des Français étaient favorables au droit de vote des immigrés aux élections locales, aujourd’hui, plus de 62 % des sondés se disent opposés à cette réforme. Voilà quelle est la situation.

Quant au risque politique, il ne faut pas penser que François Hollande en a peur ; je pense même que, en cas de rejet de la réforme par les électeurs lors d’un tel référendum, il pourrait rassembler toute la gauche. Le risque est pour la société elle-même, avec la possibilité de diviser les Français. La droite, on le sait, dramatiserait l’enjeu. Au bout du compte, il est fort probable que l’on ne parviendrait pas au résultat escompté. Je crois donc que l’aboutissement du processus serait pire que son absence, et qu’il ne faut pas prendre le risque d’accentuer et de rendre officiel le racisme ambiant. Rappelons-nous Nicolas Sarkozy lorsqu’il a lancé sa campagne présidentielle sur la thématique du « bœuf halal »… Nous assisterions à une campagne très virulente qui aboutirait à une affirmation sans complexes de l’exclusion de l’autre, qui donnerait de la France une image islamophobe. Et je pense même que, vu notre calendrier politique, dans la perspective des municipales, nous connaîtrions des dérives épouvantables, avec un grand nombre de maires de droite allant chercher les voix du Front national, et qui n’hésiteraient sans doute pas à prendre des mesures d’exclusion dans leurs propres communes. Cependant, il ne faut surtout pas baisser les bras, mais répondre à la question du droit de vote des immigrés aux élections locales par la négociation et la conviction. Je crois que le Parlement peut encore évoluer, notamment parmi les centristes – comme le montre la récente prise de position de Jean-Louis Borloo en ce sens, même si son second, François Sauvadet, s’est ensuite rapidement déclaré opposé à cette réforme.

Surtout, il ne faut pas oublier l’un des rendez-vous essentiels, celui de l’accès à la nationalité française, qui a été empêché, entravé même, sans aucun débat : les chiffres qui viennent d’être publiés montrent que les naturalisations ont connu une baisse de 30 % à 45 % depuis 2010 ! Il faut là aussi s’emparer de ces sujets et convaincre ; c’est sans aucun doute beaucoup mieux que d’engager un référendum dont nous connaissons les risques majeurs.

Illustration - Vote des étrangers : un référendum ?

La réponse du Parti de gauche est oui ! Le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales était le 50e engagement de François Hollande. La gauche le promet depuis trente ans ! Lors du débat entre les deux tours face à Nicolas Sarkozy, Hollande avait clairement envisagé le contournement de l’obstacle du congrès (nécessitant les 3/5 des voix des parlementaires) en ayant recours au référendum. Depuis, qu’est-ce qui a changé ? Rien.

Le renoncement, confirmé lors de la conférence de presse du Président le 13 novembre, révèle la méthode de ce gouvernement PS-EELV. Tétanisés par les derniers sondages d’opinion et la bataille que mène l’UMP dans son extrême-droitisation, Hollande et son gouvernement n’envisagent plus le rôle d’éducation populaire que doit jouer toute gauche ambitionnant de changer la société. Précisément parce qu’ils ont de fait renoncé au changement. Il en est de même quand ils préfèrent faire des courbettes au congrès du Medef plutôt que de procéder à l’amnistie des syndicalistes.

La politique du Président et de son gouvernement s’inscrit plus dans la continuité que dans la ­rupture avec le gouvernement précédent. Ils choisissent d’éduquer le peuple au renoncement plutôt que de l’impliquer pour inverser les rapports de force. La démission sur la question sociale les conduit à démissionner sur la question démocratique.

Les conséquences de l’abandon du droit de vote vont bien au-delà de l’exclusion d’une partie de la population du scrutin municipal de 2014. Ne pas mener la bataille des consciences pour la citoyenneté de résidence contribue à valider les positions réactionnaires défendues par l’UMP et le FN. C’est irresponsable ! Comment ne pas prendre conscience que les digues sont en train de lâcher ? Que la poursuite par un gouvernement « de gauche » de la chasse aux Roms et aux sans-papiers participe à la banalisation du racisme ? Que les politiques d’austérité, en précarisant les salariés, en renforçant la concurrence de tous contre tous, alimentent des choix xénophobes, comme en témoignent les milices marseillaises anti-Roms ?

Ne soyons pas naïfs. Référendum ou pas, la droite et l’extrême droite ont décidé de batailler contre le droit de vote pour tous. Il faut donc mener campagne pour. Leur objectif n’est pas simplement de refuser cette avancée démocratique. C’est, de fait, rejeter le métissage de la société française et attiser le rejet de celui-ci. Ce n’est pas le droit de vote qui divise la population, c’est le refus de l’accorder aux résidents étrangers qui divise le peuple et provoque des antagonismes ­ethniques qui n’ont pas lieu d’être. En République, on assume la confrontation démocratique. D’autant plus quand l’unicité du peuple est en jeu.

Le Parti de gauche poursuit son implication dans toutes les initiatives du collectif Votation citoyenne. Nous souhaitons également, avec le Front de gauche, mobiliser les quartiers populaires. Là où les exclus du droit de vote sont les plus nombreux, c’est précisément là où l’on subit le plus durement les politiques d’austérité. Délaissés, précarisés, discriminés et bâillonnés : ça suffit ! Pour résister aux politiques d’austérité, en 2014, tout le monde doit voter !

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