Lou Tavano : Le désir de « casser les barrières du jazz ! »

Lou Tavano et Alexey Asantcheeff revisitent les standards. Entre sincérité et prise de risques.

Lorraine Soliman  • 18 avril 2013 abonné·es

«H abiter une chanson   », telle est la formule qui résume le mieux Lou Tavano. Sorti il y a quelques mois, son premier album, Lou Tavano meets Alexey Asantcheeff, entièrement autoproduit, en dit déjà long sur cette jeune artiste d’à peine 26 ans. Et on ne sait dire si c’est la maturité, la vitalité, « l’ouverture d’oreille » ou la force de conviction qui domine chez elle tant l’alchimie de ces divers talents rayonne, à la scène comme à la ville. Avec la gourmandise et le désir de partage comme d’autres évidences chez cette jeune femme, servie par un grain de voix viscéral et une tessiture particulièrement souple.

Difficile aussi de faire un portrait de Lou Tavano sans y inclure son pianiste-arrangeur-compositeur et alter ego Alexey Asantcheeff. Leur rencontre musicale se fait entre deux cours, au milieu des années 2000, à l’American School of Modern Music. Le binôme prend forme peu de temps après, dans un désir mutuel de «   pousser la porte et de casser un peu les barrières du jazz   ». Les sept morceaux de leur premier album, enregistré en quartet (voix, piano, contrebasse, batterie), signent une étape importante de leur parcours : la fin d’un cycle et d’une scolarité déjà fort peu conventionnelle. De George Gershwin (« Fascinating Rhythm », « I Love you Porgy ») à Richard Rodgers (« My Funny Valentine ») en passant par John Coltrane (« Resolution »), Randy Weston (« Little Niles »), Mongo Santamaria (« Afro Blue ») et Thelonious Monk (« Monk’s Dream »), ces standards triés sur le volet ont fait l’objet d’une véritable adaptation à la réalité quotidienne des deux artistes. «   Par exemple “Fascinating Rhythm” parle de swing, quelque chose de fascinant pour les gens à l’époque, nous on l’a interprété comme le rythme entêtant d’une migraine », explique le pianiste. «   De mes migraines, complète Lou Tavano. Et on a essayé de faire une relecture de chacun des thèmes pour que vraiment j’habite les mots.   »

La sincérité est leur credo, la prise de risques leur ligne directrice. «   Presque trop, avoue Alexey Asantcheeff, Lou doit régulièrement me remettre dans le rang, parce qu’à chaque concert j’ai envie de changer les arrangements ! » C’est pourtant ce goût du risque qui fait leur patte, notamment face au public. «   Beaucoup de musiciens oublient le côté scénique d’un concert et ne pensent qu’à leurs notes, enchaîne la chanteuse. C’est le théâtre qui m’a tout appris, la présence, la tenue sur scène, comment respirer, comment regarder les gens, comment leur parler, comment interpréter les mots » Leur prochain album, For You (qui paraîtra fin 2013 ou début 2014) promet bien d’autres thèmes et variations, en mode intimiste, à travers des compositions personnelles, en anglais, en français et en russe. «   Petite Pomme   », le morceau phare de For You, évoque la grand-mère d’Alexey, née sur la route entre la Russie et la France juste après la Révolution d’octobre. Un sujet dont Lou sait admirablement se saisir, caméléon sensible à l’affût de l’émotion. Certains la comparent à Colette Magny, d’autres à Helen Merrill ou à Billie Holiday… Brel et Barbara sont pour elle deux autres figures tutélaires, mais pas seulement. «   Boris Vian aussi, parce que j’adore l’humour qu’il y a dans ses textes, et je pense qu’on entend chez moi son influence. Sur scène, tous mes complexes s’en vont, je n’ai peur de rien. Voici mon dicton : “Le ridicule ne tue pas, tout ce qui ne tue pas rend plus fort, donc le ridicule rend plus fort” ! »

Musique
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