La Milice : Une barbarie bien française

L’historienne Michèle Cointet présente ce corps peu étudié d’une soldatesque sans foi ni loi.

Olivier Doubre  • 5 décembre 2013 abonné·es

L’évocation du rôle pendant la Seconde Guerre mondiale, en France, des miliciens, ces hommes en noir au brassard tricolore marqué du gamma, « représentation zodiacale du bélier, symbole de force et de renouveau », fait généralement froid dans le dos. La Milice symbolise la brutalité de la répression vichyste contre la Résistance, à la botte des nazis. Or, au-delà de cette vision, rares sont les travaux d’histoire sur cette branche policière et paramilitaire des forces de Vichy, secondant, parfois devançant, les nazis dans leurs abominations.

Cette plongée au sein de ce corps mi-policier mi-politique, créé par la volonté de Laval début 1943 alors que les Allemands ont envahi la zone Sud après le débarquement allié en Afrique du Nord, donne à voir tout ce dont l’extrême droite française, une fois arrivée au pouvoir, est capable. Spécialiste de l’histoire de la Collaboration, Michèle Cointet a fouillé les archives du régime de Vichy, les sources préfectorales et judiciaires ou les travaux d’histoire régionale. Elle montre d’abord « le malentendu entre Laval et la Milice depuis sa fondation ». Le chef du gouvernement crée essentiellement cet organe pour « effacer le doute sur la loyauté de la France » de Vichy né chez les occupants après la perte de l’Algérie et du Maroc, en même temps que pour « faire pièce aux collaborateurs de Paris se posant en fidèles inconditionnels » des Allemands. Pour autant, Laval ne souhaite pas voir les miliciens prendre « une large place dans la vie politique ». Or, leurs chefs ambitionnent au contraire de participer au pouvoir. L’ambiguïté vient du statut mal défini de la Milice, à la fois police politique et corps paramilitaire de répression, bras armé de la « révolution nationale », ouvertement fasciste, doté d’organes de propagande, tel son hebdomadaire Combats, d’émissions de radio ou de l’école des cadres d’Uriage, qui dispense une « formation politique »

Outre le récit des exactions commises contre la Résistance (dont les assassinats de Jean Zay et de Georges Mandel ou le massacre du maquis des Glières), des arrestations et pillages de juifs, puis de l’épuration qui frappe les miliciens, l’ouvrage de Michèle Cointet retrace les parcours des chefs miliciens comme Joseph Darnand. Ancien cagoulard, celui-ci correspond au profil type du fasciste ambitieux – qui suivra l’armée allemande jusqu’à Sigmaringen –, fermant les yeux sur les exactions, mais surtout marqué par les rêves de gloire et de discipline de l’ancien combattant décoré qu’il fut de la Première Guerre mondiale. Michèle Cointet propose ainsi une vraie typologie de la violence politique de l’extrême droite et de ses affidés.

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