Ces femmes qui luttent pour un « ordre naturel »

Les « Antigones » et les « Caryatides », organisations lancées en 2013, défendent la valeur « sacrée » de la famille.

Lena Bjurström  • 30 janvier 2014 abonné·es

Elles se sont croisées dans la Manif pour tous, se retrouvent dans les défilés anti-IVG, rejettent le féminisme et s’alarment de la portée d’une « théorie du genre » qui entraînerait le chaos dans nos sociétés. Antigones, Caryatides, ces organisations exclusivement féminines, lancées en 2013, se fédèrent autour d’une même idée : celle d’une « nature profonde de la femme » et du retour de celle-ci à la place qui lui est dévolue. « Si des lois écrites par des hommes outrepassent les lois naturelles  […], nous avons le devoir de nous rebeller », proclame le manifeste des Antigones.

C’est bien le féminisme, le genre et le « sextrémisme » qui sont dans le viseur de cette organisation, créée en réaction aux Femen. Au placard le Mouvement de libération des femmes (MLF), Simone de Beauvoir et l’égalité, la femme a sa place, elle doit y rester. C’est même son « devoir », selon les Caryatides. Née en mai 2013, à Lyon, lors d’une manifestation en hommage à Jeanne d’Arc, « mère de notre patrie », cette structure militante revendique un engagement politique « non partisan » et « féminin ». « Il y a dans le militantisme, comme dans la société, une différence entre hommes et femmes, explique Morgane, membre de l’organisation. Nous, femmes, qui portons la vie, nous sommes plus proches de la nature, nous devons protéger la famille. » La famille, une valeur « sacrée » au cœur de la « nation ».

Dans leur présentation, les Caryatides revendiquent un combat nationaliste : « Pour constituer une famille, il faut un père, une mère, un travail. Et l’ensemble des familles forme la communauté nationale. Tout cela est résumé dans la devise “Travail, Famille, Patrie !” » Elles se sont d’ailleurs inspirées du fameux slogan pétainiste pour créer leur mantra : « France, famille, enfance ». Si les Caryatides ne font pas mystère de leurs inspirations, on retrouve un discours tout aussi conservateur au sein de l’association Nouveau féminisme européen (NFE), créée en 2007. Menée par Élisabeth Montfort, porte-parole de la Manif pour tous et ex-membre du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, cette organisation au nom trompeur se veut un « institut d’analyse » sur l’implication des femmes dans la société. Mais son but avoué est de lutter contre le « lobby des féministes radicales » au Parlement européen. Rien de surprenant, donc, à ce que ces « féministes » aient applaudi le rejet du rapport Estrela, qui présentait l’IVG comme un droit européen. Pour ces femmes, l’égalité n’est pas un droit mais une menace pour l’ordre « naturel ».

Publié dans le dossier
Le retour de l'ordre moral
Temps de lecture : 2 minutes