Les bonnes affaires de Carolis avec Bygmalion

Jean-Claude Renard  • 28 mai 2014 abonné·es
Les bonnes affaires de Carolis avec Bygmalion

Un train peut en cacher un autre. C’est exactement ça, l’affaire Bygmalion, cofondée (avec Guy Alvès), rappelons-le, par Bastien Millot, ancien dircab de Jean-François Copé. Mais pas seulement. Il est aussi l’ancien numéro 3 de France Télévisions (directeur de la communication, de l’innovation et de la stratégie du groupe public), alors dirigée entre 2005 et 2010 par Patrick de Carolis. Millot occupera ses fonctions entre 2005 et 2008, jusqu’à ce qu’il prenne un congé sabbatique pour justement créer la société de com Bygmalion (il ne quittera ses fonctions officiellement qu’en 2010).

On peut dire que Bastien Millot a eu du nez , ou beaucoup de chance, ou bénéficié de hasards vertueux, mais sitôt créée, outre son bon client de l’UMP, Bygmalion plaît beaucoup à France Télé et fait un carton. Entre 2008 et 2012, la société de com reçoit jusqu’à 1,2 million d’euros pour diverses prestations, aux intitulés pour le moins ahurissants : « accompagnement stratégique » ; « préparation de langage » ; « gestion des mails des téléspectateurs ». À titre d’exemple, 43 000 euros de facture pour une étude sur l’image de France Télévisions. On observera, dans la chronologie, que les contrats se sont poursuivis sous la direction de Rémy Pflimlin. Des contrats menés en dehors de toute mise en concurrence et d’appels d’offres. C’est ce que dénonçait déjà dans Politis , en juillet 2013 (n°1260), Jean-Jacques Cordival, de la CGC Média de France Télé, portant l’affaire en justice, pour « favoritisme, prise illégale d’intérêt, complicité et recel » . Bastien Millot a été mis en examen en avril dernier par le juge Renaud Van Ruymbeke.

Lire > Des ennuis judiciaires au programme

Il n’est pas le seul . Il est accompagné de Patrick de Carolis, lui aussi mis en examen pour « favoritisme », pour être curieusement, en ex-patron de France Télé, l’heureux bénéficiaire de contrats de conseil avec la direction actuelle : 163 000 euros entre 2012 et 2013, au profit de la société Patrick de Carolis Consulting et Participations. Tout en ayant un statut d’animateur-producteur sur France 3, avec des contrats de conseiller artistique pour ses propres programmes produits par sa propre maison, Anaprod, comme « Le Grand Tour », à hauteur de 50 000 euros (autrement dit, Carolis est rémunéré pour se conseiller lui-même). Des sommes et des contrats qui relèvent sûrement encore des fruits du hasard. « On est dans un système où la télévision publique est la vache à lait », s’exclamait déjà Jean-Jacques Cordival, toujours dans Politis , en juillet 2013.

Et c’est pas fini, comme dit la pub. Aujourd’hui, le Point révèle que Patrick de Carolis a été payé par la société Bygmalion :  « En 2011, l’ex-patron du service public a touché de Bygmalion 47 800 euros, via sa société Patrick de Carolis Consulting et Participations. Puis encore 71 700 euros en 2012. Soit au total 10 % du montant des contrats signés en cinq ans par France Télévisions avec Bygmalion. » On attend de savoir pour quelle prestation. Ça valait le coup d’être numéro 1 et numéro 3 du groupe public.
Face au juge Van Ruymbeke, Patrick de Carolis a affirmé n’avoir pas eu connaissance des contrats, rapporte le Point : « Ce n’est pas au président de France Télévisions de négocier les contrats en-deçà de 2 millions. Je n’ai pas donné d’accord à M. Millot. » Et de renvoyer la patate chaude au secrétaire général de France Télévisions, Camille Pascal : « Je n’étais pas l’ordonnateur de ces contrats, je ne savais même pas que Camille Pascal faisait ponctuellement appel à cette société » , a-t-il assuré lors de son audition. C’est ballot, mais c’est pourtant bien la société Patrick de Carolis Consulting et Participations qui apparaît comme bénéficiaire de plusieurs chèques dans les comptes de Bygmalion.

C’est curieux chez les gens de pouvoir , ce besoin de faire des phrases ineptes, juste pour dire « c’est pas moi, c’est lui » . En attendant, entre les cadors de l’UMP et les lyriques droitiers, vu le nombre d’allers et retours aux tribunaux, leur bilan carbone explose. Comme celui de l’argent public.

Police / Justice Médias
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