Confiance : Une majorité relative

Sauvé par l’abstention, Manuel Valls a néanmoins perdu le soutien de 37 députés socialistes et écologistes depuis le mois d’avril.

Michel Soudais  et  Pauline Graulle  • 17 septembre 2014 abonné·es
Confiance : Une majorité relative
© Photo : AFP PHOTO / PATRICK KOVARIK

Manuel Valls ne doutait pas qu’il obtiendrait la confiance des députés. Mais le Premier ministre avait aussi déclaré qu’il ne se satisferait pas de passer l’obstacle. Ce qu’il voulait, a-t-il indiqué au Journal du dimanche, c’était « passer avec de la force, de la marge ». Raté ! Seulement 269 députés ont approuvé la confiance (244 votant contre), ils étaient 306 (236 contre), le 8 avril, lorsque Manuel Valls avait engagé la responsabilité de son premier gouvernement. Officiellement, ses proches s’en satisfont. Le Premier ministre « a renouvelé la légitimité de son action, c’était un moment nécessaire de démocratie », a ainsi déclaré Jean-Marie Le Guen. Les coups de menton du secrétaire d’État aux relations avec le Parlement ne peuvent toutefois masquer qu’en cinq mois Manuel Valls a perdu 37 voix et devra maintenant gouverner avec une majorité relative.

Le Medef a décidé de reporter au 24 septembre la présentation (initialement prévue le 17) de ses propositions visant à créer un million d’emplois en France, au motif que l’organisation patronale « n’entend pas s’insérer dans une séquence politique ». Le quotidien les Échos a cependant dévoilé dimanche un document de travail très polémique. Le texte, intitulé : « Comment relancer la dynamique de création d’emplois en France ? », détaille une série de freins qui, pour le patronat, devraient être levés en priorité. Sans surprise, certaines des intentions patronales sont déjà en discussion au gouvernement, notamment l’ouverture des commerces le dimanche et la réforme des seuils sociaux. Le Medef veut aussi « animer le débat » avec des mesures consistant à supprimer deux jours fériés sur onze et à déroger au Smic pour certaines catégories de demandeurs d’emploi. De quoi créer une nouvelle séquence politique agitée dans les prochaines semaines.

C’est de la gauche que sont venues ces défections. Sans surprise, la droite a unanimement refusé la confiance au gouvernement, comme elle l’avait fait le 8 avril, malgré l’appel du Premier ministre à « l’unité nationale » pour faire face à la « nouvelle guerre froide » avec la Russie et à la « menace terroriste ». Une opposition de pure posture : « Notre rôle est de nous opposer », a osé Christian Jacob, le président de l’UMP, en manque d’arguments. Car, à plusieurs reprises, les députés de l’UMP et de l’UDI, taquins, ont applaudi au discours de Manuel Valls sur « les entreprises qui créent des richesses et donc de l’emploi ». L’effritement de la majorité présidentielle a surtout pris la voie de l’abstention. Les 10 députés du Front de gauche ont confirmé leur vote négatif, comme ils l’avaient annoncé. En revanche, Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent, qui avaient appelé ce week-end à la Fête de l’Humanité les « frondeurs », présents en nombre à La Courneuve, et les écologistes à voter contre, ne sont pas parvenus à les convaincre. Les trois députés du Mouvement républicain et citoyen (MRC), Jean-Luc Laurent, Marie-Françoise Bechtel et Christian Hutin, qui avaient voté la confiance il y a cinq mois se sont abstenus cette fois. Autant pour marquer leur désaccord avec « la politique économique sans chances menée avec constance » par François Hollande, qui « est clairement aujourd’hui une politique sans résultats » (voir p. 6), que pour déplorer « l’éviction d’Arnaud Montebourg, qui aura jusqu’au bout tenté de faire vivre l’objectif de redressement de la France, et compris que celui-ci passait par la réorientation de l’Europe ». Les dix-huit députés du groupe EELV, qui avaient en majorité voté la confiance (10 pour, 1 contre, 6 abstentions) au gouvernement Valls 1, tiraillés entre des positions très divergentes, se sont accordés cette fois sur « une abstention commune », seule Isabelle Attard, membre de Nouvelle Donne, confirmant son vote contre.

Les frondeurs socialistes, partis à 11 en avril, sont désormais 28. Parmi eux, des très proches de Martine Aubry, dont François Lamy, l’ex-ministre de la Ville, qui ne s’était pas exprimé jusqu’ici. « Je ne suis ni déçu ni surpris », a déclaré Christian Paul à l’issue du scrutin ; la veille il tablait pourtant sur une quarantaine d’abstentions. Le discours de Manuel Valls et les pressions ont eu raison des hésitants, pas toujours convaincus par le discours de leurs camarades frondeurs dénué de perspective politique alternative. Ce que n’ont pas manqué de souligner les vallsistes, comme Christophe Caresche, qui, le 9 septembre, résumait en un tweet le flou de leur positionnement : « Si je comprends bien la stratégie des “frondeurs”, c’est affaiblir le gouvernement sans le faire tomber ! Perspective enthousiasmante ! » « On est trois fois plus nombreux que la dernière fois, positive néanmoins la députée du Doubs, Barbara Romagnan. Cela peut nous permettre de peser pour demander une CSG progressive, une nouvelle loi bancaire et d’investir dans la transition énergétique. » Comme ses camarades, elle pense désormais à la prochaine bataille, celle du budget. Avec l’espoir que les timides cette fois se lâcheront.

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