La Mongolie sous un œil implacable

Visa pour l’image : la Mongolie, ou l’exercice de style d’Olivier Laban-Mattei

Jean-Claude Renard  • 2 septembre 2014
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La Mongolie sous un œil implacable

Festival international de photojournalisme , Visa pour l’image, à Perpignan a ouvert ses portes ce week end. Au programme, une bonne vingtaine d’expositions, des diaporamas, des tables rondes. Comme à son habitude, le festival décline des reportages d’actualité et quelques rétrospectives. Parmi les reportages, celui d’Olivier Laban-Mattei se distingue par sa crudité, des images sans artifices.

Pour point de départ, la Mongolie , cette « terre annoncée comme providentielle par les médias du monde entier, cette terre promise pour quiconque voudrait y chercher fortune » . Et Olivier Laban-Mattei d’aller voir de plus près ce nouvel eldorado. Là où l’exploitation intensive des grandes richesses du sous-sol contribue à l’augmentation des inégalités sociales, entraîne des conséquences environnementales et sanitaires auprès des populations locales. Pollution de l’air, de l’eau, et des sols, insalubrité générale. Deux légendes en témoignent : la première est celle d’un « paysage d’hiver à Bayan Khoshuu, un quartier déshérité (aussi appelé quartier de yourtes) situé à l’ouest d’Oulan-Bator. Les températures insupportables de l’hiver (- 40, – 50 ºC) obligent des centaines de milliers d’habitants à consommer une quantité énorme de charbon de chauffage, plongeant ainsi la capitale dans un épais manteau de fumée néfaste pour la santé. La pollution de l’air engendre de graves maladies telles que des cancers, des malformations chez les nouveau-nés, des problèmes cardiovasculaires et respiratoires ainsi que des maladies neurologiques sérieuses. Oulan-Bator est l’une des villes les plus polluées au monde en hiver » . La seconde légende entend se rapprocher du sujet : « Des personnes sont à la recherche de morceaux de plastique qu’ils essaieront de revendre à des entreprises chinoises de recyclage, dans l’une des deux principales décharges municipales d’Oulan-Bator, au nord-ouest de la capitale. La gestion des déchets est un problème crucial pour la santé des habitants. À ce jour, rien n’est fait pour améliorer la qualité sanitaire et écologique en ville. »


Illustration - La Mongolie sous un œil implacable


Laban-Mattei fixe ce paysage urbain malade, dérouillé, avec ses peuples épuisés, abandonnés par les pouvoirs publics qui songent davantage à dorer son blason. Avec une certaine manière chez le photographe, un parti pris : sans spectaculariser. Ses images sont parfois floues, d’autres sont gavées de pénombre. Trop de pénombre. Ce sont des images « pénibles », à regarder, qui forcent l’attention parce qu’a priori, elles ne sont pas réussies, pas ouvertes au regard. Elles imposent du temps. Tout se passe comme si le photographe ne faisait pas d’effort. Comme si. On n’est pas là dans la photo qui « pète », comme on dit dans le journalisme.

Olivier Laban-Mattei travaille ainsi, rend compte en posant du coup la question de l’esthétisation du sujet. Sans esbroufe, sans fioriture. Ce qui n’empêche pas de bien cadrer. Le résultat émotif est sans appel : ses images font vite plonger dans un sentiment d’oppression. Certaines devenant insupportables. Sans se priver d’informer.

Médias
Temps de lecture : 3 minutes
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