Tarnac : l’acharnement tourne à la farce

Huit des dix accusés sont renvoyés en correctionnelle. Julien Coupat sort du silence.

Ingrid Merckx  • 13 mai 2015 abonné·es
Tarnac : l’acharnement tourne à la farce
© Photo : AFP PHOTO / BERTRAND LANGLOIS

De bons citoyens. C’est ainsi que Marie-Rose Bourneil, maire (Front de gauche) de Tarnac (Corrèze), considère les résidants de sa commune mis en examen dans l’affaire dite de Tarnac portant sur le « sabotage » de lignes de TGV en novembre 2008. De quoi contraster avec ceux que le parquet désigne comme membres d’un « groupe à finalité terroriste ». Dans un nouveau réquisitoire, daté du 7 mai, il réclame le renvoi en correctionnelle de huit des dix du groupe, deux ayant obtenu un non-lieu. Deux des membres sont élus de Tarnac et « font un travail sérieux au sein de notre équipe municipale », souligne la maire, qui ajoute que sa commune « porte aujourd’hui des projets utiles à tous ». « Cette prétendue affaire tourne à l’acharnement ! », dénonce-t-elle, n’hésitant pas à s’interroger sur la « concordance » entre l’annonce du parquet et la « succession de lois sécuritaires depuis un an ».

C’est aussi ce qui a poussé à sortir du silence Julien Coupat, 40 ans, principal suspect d’un réquisitoire où il est passé de « directeur d’une structure terroriste » à « animateur ». «  Une séquence particulière s’est ouverte avec la loi sur l’apologie du terrorisme, a-t-il expliqué le 12 mai sur France Inter. Tous les gens qui nous ont soutenus quand on s’est fait arrêter, et sans lesquels on serait encore en prison, seraient aujourd’hui passibles d’apologie du terrorisme. » C’est précisément le lendemain du vote, le 5 mai, en première lecture, de la loi sur le renseignement –  « que toute personne sensée est fondée à juger scélérate »  –, que le parquet a rendu son réquisitoire attendu depuis neuf mois, maintenant pour certains suspects l’accusation de terrorisme. Tarnac, pour Julien Coupat, c’est l’ « un des plus grands fiascos de l’antiterrorisme des dix dernières années ». « Cinq des huit, dont moi, ne sont plus accusés de terrorisme, observe quant à lui Mathieu Burnel, membre du groupe, mais de recels de documents volés, de tentatives de faux et de refus de prélèvement ADN. Ce dont est aussi responsable Julien Coupat. Dans son cas, cela vaut soupçon de terrorisme, pas dans le mien. L’accusation de terrorisme est soumise à un arbitraire d’État. L’antiterrorisme est un échec policier, mais reste payant politiquement et idéologiquement », tranche-t-il, pour commenter ce rebondissement.

Une décision qui intervient sous la présidence de François Hollande, qui avait pris leur défense, dans une affaire présentée lors du mandat de Nicolas Sarkozy comme un combat contre l’ultra-gauche. Selon la défense, l’accusation de terrorisme ne tient pas. Et les arguments du parquet restent maigres : la procureure s’appuie sur un témoin sous X qui a admis avoir fait l’objet de pressions policières, et le livre L’insurrection qui vient (La Fabrique), dont le lien avec Julien Coupat n’a jamais été établi et qui n’est même pas cité correctement dans le réquisitoire. Une procédure longue de sept ans « pour l’exemple » ? Et si l’affaire de Tarnac, au lieu de servir de cheval de Troie à l’antiterrorisme finissait par illustrer ce que les opposants à la loi sur le renseignement dénoncent : inefficace contre le terrorisme, redoutable pour la criminalisation des mouvements sociaux ? Reste à savoir si la juge antiterroriste en charge, Jeanne Duyé, va suivre un tel réquisitoire.

Société Police / Justice
Temps de lecture : 3 minutes

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