Le monstre punk du « in »

Le Richard III de Thomas Ostermeïer réconcilie le public avec Shakespeare.

Anaïs Heluin  • 16 juillet 2015 abonné·es

Une fête. Présences titubantes vêtues de noir dans une pluie de confettis dorés. Cris de victoire. Un rock électrique invite les corps à la transe. La guerre des Deux-Roses, qui a opposé la maison royale de Lancastre à celle de York, s’achève sur le couronnement d’Edouard IV d’Angleterre, frère de l’unique personne à ne pas prendre part au bal : Richard III le bossu, le monstrueux. L’orgie ne s’éternise pas. Dans la version et la traduction de Marius von Mayenburg mise en scène par Thomas Ostermeïer, le héros éponyme de Richard III, incarné par Lars Eidinger, est plus central encore que chez Shakespeare. Raides et filiformes silhouettes, les membres de sa famille et de la cour qu’il se constitue à force de meurtres et de viols ne sont que ses pâles satellites.

Pour convaincre de la violence et de la folie de son personnage, Lars Eidinger n’a pas besoin de brailler. Tordu, inquiétant comme un vieil arbre de maison hantée, l’acteur s’est composé une démarche assez singulière pour suggérer les méandres psychologiques de son personnage de monstre furieux au verbe redoutable. De bossu en costume, il se fait peu à peu chimère au torse enfermé dans un corset et au visage blanc qui rappelle ceux du théâtre Nô. Comme toujours chez le metteur en scène allemand, les disciplines se fondent avec bonheur. Sur une arène de terre battue, les marionnettes hyperréalistes qui figurent deux jeunes princes victimes du roi-Quasimodo, les discrètes projections vidéo de Sébastien Dupouey et la musique de Nils Ostendorf participent d’une tragédie rock de première classe. Accroché au centre de la scène, un micro relie entre elles toutes les composantes de la pièce. Lars Edinger y parle et y chante, s’y accroche comme à un sceptre glissant. Il est un héros punk qui dit l’apocalypse avec un talent fou.

Théâtre
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