Quand le PSU inventait

Bernard Ravenel retrace l’histoire singulière d’un parti à l’existence éphémère, mais à idéologique durable.

Denis Sieffert  • 27 avril 2016 abonné·es
Quand le PSU inventait
© STAFF/AFP

Quiconque se sent concerné par l’histoire de la gauche française lira avec intérêt la somme que Bernard Ravenel vient de consacrer au Parti socialiste unifié (PSU), prolongeant le travail inachevé de Marc Heurgon [^1]. Laboratoire de la « deuxième gauche », par opposition à la « première », celle de la SFIO et du PCF, le PSU est né en avril 1960 de la fusion de trois courants : le Parti socialiste autonome d’Édouard Depreux, l’Union de la gauche socialiste, à la double généalogie marxiste et chrétienne, animée par Gilles Martinet, et la groupusculaire Tribune du communisme de Jean Poperen.

Ces mouvements se retrouvent surtout dans le refus d’une trahison, celle de Guy Mollet, qui avait remporté les élections de 1956 en promettant de faire la paix en Algérie et qui intensifia la répression aussitôt arrivé au pouvoir. Toute ressemblance avec l’époque actuelle… Ce sont donc d’abord des anticolonialistes qui se rassemblent. Les premiers temps, nous dit Ravenel, sont exaltants. L’après-guerre d’Algérie sera plus compliquée. Le jeune parti doit se forger une identité. Ce sera autour de l’oxymore de « réformes révolutionnaires », c’est-à-dire de revendications telles que les nationalisations et le « contrôle des travailleurs », qui « mettent en cause le pouvoir du capital ». C’est le temps d’une tentative de refondation théorique de la gauche inspirée par le sociologue Serge Mallet, auteur en 1963 d’un ouvrage à ce sujet [^2].

À la tête de l’Unef, le PSU joue un rôle de premier plan dans la révolte de mai-juin 1968. Par la suite, le parti, qui s’identifie de plus en plus à un leader atypique, Michel Rocard, sera encore très influent dans des luttes emblématiques. En 1973, la bataille des « Lip », reprenant leur usine abandonnée par leur patron, puis la mobilisation du Larzac contre le camp militaire mettent en pratique des théories autogestionnaires d’un parti dont l’influence idéologique dépasse de beaucoup le périmètre militant.

L’écologie, les luttes des femmes, le mouvement paysan, autour de la haute figure de Bernard Lambert, l’engagement au côté des peuples du Sud sont autant de traces laissées dans notre culture politique.

Mais un événement fortuit brise cet élan. La mort de Pompidou, en 1974, et la présidentielle qui s’ensuit conduisent Rocard à faire un choix que Ravenel lui reproche encore amèrement. Quand la figure tutélaire du PSU décide de rejoindre le Parti socialiste refondé par Mitterrand, c’est le début d’une crise dont le parti du « socialisme autogestionnaire » ne se remettra jamais. Le PSU s’auto-dissoudra en 1989, un an après l’échec de la candidature de l’ex-communiste Pierre Juquin, auquel il s’était rallié. Malgré l’échec politique, l’héritage du PSU, écologiste et anti-productiviste, n’a cessé de se diffuser. Il invite, selon l’expression de Bernard Ravenel, à ne pas attendre la conquête du pouvoir pour emprunter « le chemin de la transformation de la société ». Nuit debout n’est pas si loin.

[^1] Histoire du PSU, La Découverte, 1994.

[^2] La Nouvelle Classe ouvrière, Le Seuil, 1963.

Idées
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

François Sarano : « Il y a une vraie lueur d’espoir pour les océans si on s’en donne les moyens »
Entretien 9 juin 2025 abonné·es

François Sarano : « Il y a une vraie lueur d’espoir pour les océans si on s’en donne les moyens »

L’océanographe et plongeur professionnel ne se lasse pas de raconter les écosystèmes marins qu’il a côtoyés dans les années 1980 et qu’il a vu se dégrader au fil des années. Il plaide pour une reconnaissance des droits des espèces invisibles qui façonnent l’équilibre du monde, alors que s’ouvre ce 9 juin à Nice la Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc).
Par Vanina Delmas
L’insurrection douce, vivre sans l’État
Idées 4 juin 2025 abonné·es

L’insurrection douce, vivre sans l’État

Collectifs de vie, coopératives agricoles, expériences solidaires… Les initiatives se multiplient pour mener sa vie de façon autonome, à l’écart du système capitaliste. Juliette Duquesne est partie à leur rencontre.
Par François Rulier
Isabelle Cambourakis : « On ne pourra plus revenir à une édition sans publications féministes »
Entretien 4 juin 2025 abonné·es

Isabelle Cambourakis : « On ne pourra plus revenir à une édition sans publications féministes »

Il y a dix ans, les éditions Cambourakis créaient la collection « Sorcières » pour donner une place aux textes féministes, écologistes, anticapitalistes écrits dans les années 1970 et 1980. Retour sur cette décennie d’effervescence intellectuelle et militante avec la directrice de cette collection.
Par Vanina Delmas
« Si ArcelorMittal tombe, c’est l’ensemble de l’industrie française qui tombe »
Entretien 27 mai 2025 abonné·es

« Si ArcelorMittal tombe, c’est l’ensemble de l’industrie française qui tombe »

Alors qu’ArcelorMittal a annoncé un vaste plan de suppressions de postes, la CGT a décidé d’entamer une « guerre » pour préserver les emplois et éviter le départ du producteur d’acier de l’Hexagone. Reynald Quaegebeur et Gaëtan Lecocq, deux élus du premier syndicat de l’entreprise, appellent les politiques à envisager sérieusement une nationalisation.
Par Pierre Jequier-Zalc