Gilles Kepel à l’assaut des « islamo-gauchistes »

À l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Gilles Kepel lance un « J’accuse » à la une de L’Obs.

Christophe Kantcheff  • 9 novembre 2016
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Gilles Kepel à l’assaut des « islamo-gauchistes »
© Photo : ULF ANDERSEN / Aurimages / AFP

À l’occasion de la sortie de son nouveau livre, La Fracture (Gallimard/France Culture), Gilles Kepel lance un « J’accuse » à la une de L’Obs. Et l’on tremble pour lui. Ne prendrait-il pas des risques inconsidérés à l’instar d’Émile Zola qui, pour défendre Dreyfus, avait mis en cause le ministre de la Guerre et le chef d’état-major de l’armée, lui valant procès et exil ? Mais Zola est un nain devant Gilles Kepel, qui, pour sauver « la patrie », s’attaque à des ennemis de l’intérieur autrement plus puissants : « les islamo-gauchistes ».

Ne les entendez-vous pas, tels des oiseaux d’apocalypse, battre « la campagne médiatique », « ces intellectuels tétanisés par la culpabilité postcoloniale » ? Ouïriez-vous davantage les stridences de Zemmour, Finkielkraut et consorts ? Sinistre erreur. Les vrais empoisonneurs d’esprit crient à hue et à dia à l’islamophobie, se faisant les complices d’« un repli communautariste à l’œuvre dans certaines associations qui voudraient fédérer les musulmans dans une position victimaire », comme l’a affirmé Gilles Kepel sur France Inter. Or, foi de « scientifique » : « Les musulmans ne sont pas plus victimes de discriminations en France que d’autres personnes. »

Il faut être un sacré chercheur pour décréter une telle statistique. Ou pour asséner que le Bondy Blog a « été totalement repris en main » par les Frères musulmans et transformer les trois journalistes qui, en mai dernier, l’ont interrogé, en procureurs n’ayant eu de cesse de l’accuser d’islamophobie. La vidéo de cet entretien étant en ligne, chacun peut vérifier l’affabulation.

Sans doute Monsieur le professeur des universités n’a-t-il pas apprécié le ton incisif de ses interlocuteurs – ils l’étaient pourtant davantage avec leur invité précédent, Stéphane Le Foll. Ni qu’on lui fasse remarquer un certain durcissement de ses positions : la question sociale étant désormais totalement évacuée au profit de la seule explication essentialiste. Ce week-end, Marianne et la Licra ont, de leur côté, organisé un colloque intitulé « Faux-amis de la laïcité et idiots utiles ». D’honnêtes gens s’y sont exprimés : Joseph Macé-Scaron, Brice Couturier, Caroline Fourest, Mohamed Sifaoui, Gilles Clavreul, Patrick Kessel… Gilles Kepel manquait à l’appel. Un regrettable oubli.

Culture
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