Le PS en phase terminale

Le parjure de Manuel Valls met en lumière l’éclatement du PS. Entre les partisans de la ligne de l’ancien Premier ministre et les pro-Hamon, les comptes se régleront après la présidentielle.

Michel Soudais  et  Pauline Graulle  • 5 avril 2017 abonné·es
Le PS en phase terminale
© photo : Richard BOUHET/AFP

Le Parti socialiste se relèvera-t-il de cette présidentielle ? Son éclatement, que Jean-Christophe Cambadélis envisageait à l’automne dernier si François Hollande renonçait à briguer un second mandat, est apparu en pleine lumière quand Manuel Valls a annoncé vouloir voter pour Emmanuel Macron le 23 mars. Ce reniement de la parole donnée aux électeurs de la primaire socialiste a suscité de nombreuses réactions indignées de responsables, de militants et de sympathisants socialistes. Il était toutefois aussi prévisible qu’attendu, tant l’orientation de Benoît Hamon était éloignée du social-libéralisme autoritaire impulsé depuis 2012 par l’ancien Premier ministre. Si celui-ci n’est ni le premier ni le dernier à lâcher le vainqueur de la primaire pour le candidat d’En marche !, son parjure révèle l’ampleur et la gravité de la fracture qui fait exploser le PS.

Avant lui, trente députés et vingt sénateurs socialistes avaient déjà choisi de parrainer la candidature de l’ancien ministre de l’Économie plutôt que celle du candidat légitime de leur parti. Depuis, onze autres députés ont publiquement opté pour l’ancien banquier. C’est aussi le cas du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. En comptant les conseillers régionaux et départementaux, les maires des communes de plus de 1 000 habitants, environ 350 élus ont ainsi, selon notre pointage, tourné le dos à leur parti. Cette indiscipline ouvre, à tout le moins, l’amorce d’un processus de scission fatal pour le PS. Nombre de ministres n’ont pas encore choisi leur camp, mais plusieurs et non des moindres seraient tentés par le vote Macron.

Faut-il conclure à la mort du PS ? Pour Jean-Luc Mélenchon, la cause est entendue : « Le PS a explosé. » Ne subsiste qu’« un emballage ». « La synthèse bancale à l’œuvre depuis le viol du “non” en 2005 ne fonctionne plus », observe-t-il dans le JDD. La messe est dite, estime également le politologue Gérard Grunberg. Coauteur avec l’historien organique de la rue de Solférino, Alain Bergounioux, d’une monumentale histoire du PS [1], il ne voit pas le parti d’Épinay refaire son unité. « Les deux gauches irréconciliables qui y cohabitaient sont définitivement séparées, tranche-t-il dans une tribune (Le Monde, 4 avril). Du coup, le PS d’Épinay ne sera pas l’acteur principal d’une éventuelle recomposition de la gauche. »

Mais les vieux briscards du parti ne l’entendent pas ainsi. Leur parti en a vu d’autres, rappellent-ils pour se rassurer, et il s’est toujours relevé. « La disparition du PS est un marronnier politique », veut croire Jean-Christophe Cambadélis. « Le PS survivra à la présidentielle, si tant est qu’il se réforme en profondeur. On en reparle dans cinq ans : vous verrez bien s’il reste le PS ou Mélenchon », lance aussi l’ancien ministre de la Ville, François Lamy, fidèle de Martine Aubry. « Bien sûr que le PS n’est pas mort », renchérit Gérard Filoche, qui en veut pour preuve que son « parti conserve encore une ville sur trois, six régions sur treize », oubliant qu’en ralliant Macron Jean-Yves Le Drian, président de la région Bretagne, a convaincu pas mal d’élus de le suivre. « Même s’il finit à 5 % à la présidentielle, le PS garde un puissant réseau d’élus locaux, observe Emmanuel Maurel. Il est à la tête de beaucoup de grandes villes, et d’abord de la capitale. » Plus qu’une « pasokisation », en référence à l’effondrement du PS grec, cette figure de l’aile gauche du PS craint une « SFIOïsation », qui, comme l’ancêtre du parti refondé par François Mitterrand à Épinay, en 1971, ne serait plus qu’une formation « au service de barons locaux ».

Tout se jouera après la présidentielle. « Le prochain congrès [qui devrait se tenir statutairement à l’automne] marquera la fin définitive du cycle d’Épinay », annonce déjà le patron du PS. Ce sera « un congrès de clarification », annonce avec gourmandise Philippe Doucet. Ce député « vallsiste » du Val-d’Oise loue la sagesse de Jean-Christophe Cambadélis, qui refuse, pour ne pas insulter l’avenir, dit-on, de lancer des procédures d’exclusion contre les élus qui s’apprêtent à voter Macron. Et s’est dit convaincu, sur LCP (30 mars), que lui et ses amis y seront « majoritaires ». Avant cette échéance qui, selon plusieurs cadres, sera repoussée, le PS ayant par le passé préféré tenir ses congrès de douze à dix-huit mois après ses défaites pour laisser retomber les tensions, les « vallsistes » espèrent toutefois que la clarification se fera aux législatives. « Les socialistes ont vocation à être à l’Assemblée nationale, à gouverner dans une majorité avec Macron s’il est élu, ou à être dans l’opposition si c’est un autre », a déclaré le président du groupe PS au Sénat, Didier Guillaume. « Je souhaite un groupe PS majorité présidentielle » à l’Assemblée, abonde Philippe Doucet, précisant dans un sourire visant les « hamonistes » : « On verra combien il y a de députés socialistes non majorité présidentielle qui survivent dans cette affaire-là. » Le PS n’a pas fini de se déchirer.

[1] L’Ambition et le remords. Les socialistes français et le pouvoir (1905-2005), Fayard.

Politique
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