Pouria Amirshahi : « C’est à Mélenchon de proposer un accord à gauche »

Pour l’ex-socialiste Pouria Amirshahi, si la gauche part divisée, les législatives seront une catastrophe pour le pays.

Pauline Graulle  • 10 mai 2017 abonné·es
Pouria Amirshahi : « C’est à Mélenchon de proposer un accord à gauche »
© Photo : Michel Soudais/Citizenside/AFP

Pouria Amirshahi, député des Français de l’étranger, a décidé de ne pas reconduire sa candidature en 2017. Ce qui n’empêche pas celui qui a quitté le Parti socialiste en 2016 pour fonder le Mouvement commun de continuer à militer pour l’union des gauches, selon lui plus nécessaire que jamais si la gauche veut avoir une chance d’être représentée à l’Assemblée nationale sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Il propose la mise en place d’un label allant de la France insoumise aux socialistes proches des idées de Benoît Hamon en passant par les Verts ou le PCF. Ou comment ces législatives pourraient préfigurer le renouvellement de la gauche qui doit s’opérer dans les années à venir.

Quel est, selon vous, l’enjeu de ces législatives ?

Pouria Amirshahi : Ni plus ni moins que l’avenir du pays. Compte tenu du programme très libéral d’Emmanuel Macron, les citoyens français auront besoin que la gauche soit forte à l’Assemblée nationale. Les députés de gauche auront en effet pour tâche de ferrailler dès le début puisque Emmanuel Macron veut imposer par ordonnance son projet de remise en cause du droit du travail. La bonne nouvelle est que dans cette présidentielle, avec les candidatures de Jean-Luc Mélenchon et de Benoît Hamon, la gauche s’est montrée sans faux nez. Tous deux ont porté les thèmes d’une transformation sociale offensive et ont été très déterminés sur les plans écologique et démocratique.

Maintenant, il ne faut pas reproduire le même drame aux législatives qu’à la présidentielle, c’est-à-dire une gauche éliminée du second tour. C’est pourquoi il faut absolument un accord politique entre les divers mouvements de la gauche. J’avais proposé, avant même la présidentielle, la mise en place d’un label commun aux législatives afin de rassembler la gauche.

En quoi consiste exactement ce label ?

Il s’agirait d’un contrat de législature portant sur quatre points : la question sociale, l’écologie, la démocratie et même la question européenne puisque, à défaut d’être tous d’accord sur un plan B, nous sommes globalement d’accord sur les termes du plan A. En gros, ce label pourrait rassembler toutes les forces de gauche, hors les macronistes patentés du PS, cela va de soi. De ce point de vue, Jean-Luc Mélenchon a raison : on ne peut gouverner à la fois avec Manuel Valls et contre lui. C’est le seul chemin que l’on peut prendre si on veut imposer une cohabitation de gauche à Macron.

Votre label a-t-il une chance de voir le jour ? Vu l’état des relations entre le PCF et la France insoumise, mais aussi entre la France insoumise et Benoît Hamon, cela semble peu probable…

À ce stade, ce qui prédomine, c’est en effet une logique de division à gauche. Mais je pense – ou du moins j’espère – que l’élection de Macron va ressouder les troupes. Pour ma part, je ne suis plus dans le jeu d’appareils, je ne peux donc que donner des conseils ou lancer des appels. En théorie, ce serait à Jean-Luc Mélenchon, devenu la principale force motrice à gauche, de prendre l’initiative de proposer un accord global à toute la gauche. De l’autre côté, les partisans de Benoît Hamon, eux aussi, doivent être dans une logique d’accord à gauche, et pas dans une logique de préservation d’un Parti socialiste devenu sans objet.

Mais est-il possible pour les candidats investis par le PS de ne plus porter ses couleurs ?

C’est une question de volonté et de clarté, rien d’autre. Cela permettrait aux candidats de dépasser leur parti et de poser un acte de rassemblement dans une même démarche constructive et utile à toute la gauche.

Proposer un label commun, une bannière commune, n’est-ce pas précisément ce que propose de son côté la France insoumise ? Je crois que la France insoumise doit accepter le fait que la gauche est traversée par des courants d’idées divers – par exemple, sur la question européenne. Et qu’on ne peut dès lors pas demander à des formations politiques qui ne pensent pas la même chose sur tout de se ranger derrière une seule entité par opportunisme, ou au risque de s’affaiblir elles-mêmes. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans la présidentielle : il ne s’agit plus de soutenir un candidat unique, mais de s’imposer face au grand centre libéral d’Emmanuel Macron, à la droite hyperconservatrice et à la droite nationaliste et identitaire. Si nous partons divisés, ce sera une catastrophe pour le pays, car la gauche sera exclue de la vie démocratique parlementaire. Et les Français le paieront.

La France insoumise considère que le cartel de partis que représentait le Front de gauche n’a pas fonctionné. Qu’il faut par conséquent changer de méthode et sortir de cette idée du rassemblement…

Dans cette histoire, il faut à tout prix éviter deux écueils. Le premier, c’est de répéter l’erreur de la présidentielle et de rater la qualification à cause d’une absence de dynamique unitaire, en début comme en fin de campagne. Le deuxième, c’est de confondre les échéances : il ne s’agit plus de rassembler des forces autour d’un homme mais d’envoyer des députés à l’Assemblée nationale. Or, ce qui me semble le plus important peut-être, c’est que les députés de demain doivent être des députés libres. Pas des béni-oui-oui. Les godillots d’un chef ou d’un parti, cela tue la démocratie. La force d’un parlementaire, c’est son libre arbitre, sa cohérence avec l’engagement qu’il a avec ses électeurs. Il n’a pas de mandat impératif. Ceux qui veulent des députés transparents et sans saveur, voire sectaires, n’ont rien compris. Pas de députés soumis aux chefs ou aux partis ! Pas de ça quand on défend la 6e République.

Le germe profond de la 6e République commence par la mise en place d’une culture parlementaire différente. C’est pourquoi les candidats que je vais soutenir viendront autant de la France insoumise que du PS, d’EELV que du PCF, comme François Ruffin à Amiens, Caroline de Haas et Cécile Duflot à Paris, Barbara Romagnan à Besançon, Juan Branco à Clichy-sous-Bois, etc. Il faut sortir des logiques parfois sectaires. Celles qui conduisent des socialistes à en défendre d’autres uniquement parce qu’ils ont la même étiquette. Celles qui conduisent la France insoumise à confondre unité et fusion. On ne demande pas aux gens de faire l’unité en se reniant, et les insoumis le savent très bien : eux-mêmes ont été très attentifs à tout ce qui aurait pu modifier leur identité politique.

Alors, comment faire ?

D’abord, il ne faut surtout pas entrer dans de vaines polémiques. Dans la période qui vient, tout ce qui compte, c’est d’avoir le maximum de députés de gauche à l’Assemblée. C’est d’ailleurs, selon les insoumis, le seul moyen pour Jean-Luc Mélenchon de devenir Premier ministre, car c’est bien l’objectif qu’ils ont affiché, non ? Alors, comment dire cela et ne pas s’en donner les moyens en croyant pouvoir gagner tout seul ? Tout au moins, il faut donner à la gauche les moyens dont elle a besoin pour s’opposer au programme libéral qui nous attend, et pour faire reculer les inégalités, avancer dans la transition écologique et sortir de la crise démocratique.

Comment voyez-vous la recomposition de la gauche à l’avenir ?

Pour les socialistes de gauche, il faut que la grande séparation entre sociaux-démocrates et sociaux-libéraux aille à son terme, et qu’un nouveau parti politique soit créé dans la lignée de la candidature de Benoît Hamon. Ensuite, il faut que ce nouveau parti, la France insoumise, le PCF, Ensemble ! et les autres à gauche discutent en profondeur. Pour fédérer toutes ces énergies, il faut qu’un cadre politique et culturel commun soit lancé afin que toutes les cultures de gauche se mélangent. Si on veut pouvoir construire une grande force politique susceptible demain de tracer un autre chemin et de gagner en 2022 – et pourquoi pas, avant, les élections intermédiaires –, on doit, d’abord, fabriquer du commun. Je suis prêt à aider en ce sens. La bataille qui nous attend, au fond, sera la bataille de l’entente.

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