Plusieurs associations créent le « Vigilobb », pour lutter contre les lobbys et le pantouflage

Associations, lanceurs d’alerte et militants se regroupent pour agir contre les conflits d’intérêts et la corruption. Ils avancent plusieurs propositions.

Erwan Manac'h  • 20 juin 2017
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Plusieurs associations créent le « Vigilobb », pour lutter contre les lobbys et le pantouflage
© Photo : GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Un nouvel acteur vient de naître et espère jouer le rôle de poil à gratter dans le débat sur la moralisation de la vie publique. Autour de l’eurodéputée écologiste Michèle Rivasi, quelques éminents lanceurs d’alerte et militants associatifs ont donné naissance, mardi 20 juin à quelques encablures de l’Assemblée nationale, au « Vigilobb », pour « agir contre les lobbys ».

La date de mise sur orbite a été choisie pour faire écho au débat, déjà vif avant le début des discussions à l’Assemblée, sur la loi « pour la confiance dans notre vie démocratique », qu’il ne faut donc plus appeler « loi de moralisation de la vie publique ».

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Vigilobb avance deux propositions pour renforcer une loi qu’il ne juge « pas inutile », mais néanmoins insuffisante :

• D’abord, il faut, selon l’association, créer un corps d’experts indépendants pour rompre enfin avec une tare majeure dans la lutte contre la corruption : l’opacité entretenue par des expertises biaisées. « En France, les agences d’État font appel à des experts extérieurs qui sont tous payés par les lobbys », a tranché Michèle Rivasi, mardi matin sur la péniche parisienne où Vigilobb était présenté à la presse. 75 % des experts de l’Agence française du médicament sont sous contrat avec l’industrie pharmaceutique, montre ainsi le professeur Philippe Even dans son livre sur le scandale du Mediator.

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• Ensuite, il est nécessaire d’empêcher le « pantouflage », les navettes de hauts fonctionnaires vers les grandes entreprises et réciproquement (toute ressemblance avec un Président en exercice n’est pas fortuite). Cet objectif peut être atteint, selon l’association, avec la création d’un délai de carence durant lequel un ancien acteur public ne peut exercer le métier de lobbyiste, et inversement.

Une carence de cinq ans existe au Canada depuis 2008 pour tout fonctionnaire « titulaires d’une charge publique ». Les instances européennes observent une mesure similaire et s’apprêtent à l’augmenter de dix-huit mois à trois ans, suite à l’émoi provoqué par le pantouflage de l’ancien président de la Commission, José-Manuel Barroso, à la banque Goldman Sachs.

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Dans ce domaine, la France d’Emmanuel Macron accuse un retard important : « L’actuelle ministre de la Santé a travaillé pendant quatorze ans dans des lobbys pharmaceutiques et sa première mesure en tant que ministre est de monter de 3 à 11 le nombre de vaccins obligatoires », dénonce Michèle Rivasi.

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« Draculas économiques »

Le collectif compte parmi ses signataires des lanceurs d’alerte : Irène Frachon, par qui a été découvert le scandale du Mediator, Raymond Avrillier, qui a levé le lièvre des sondages de l’Élysée et de la corruption de la droite grenobloise dans la gestion de l’eau, Jean-Luc Touly qui se bat contre la multinationale Veolia, dont il est encore salarié, etc. Il regroupe également des associations (Attac, Fondation France libertés, Pantoufle Watch…) et des universitaires (Patrick Viveret, Raphaël Liogier…), des réalisateurs et des élus locaux.

Parmi les batailles en perspective, Emmanuel Poilane, de la Fondation France libertés, attire l’attention sur le gigantesque projet minier appelé « Montagne d’or », soutenu par tous les acteurs publics en Guyane. « C’est un projet totalement hallucinant qui nous ferait hurler s’il était mené au Brésil. Or c’est bien en France qu’il se prépare », s’étonne le directeur de l’association, qui milite pour l’accès à l’eau.

« Il est temps d’agir face à la démission du politique par une insurrection citoyenne […] et de réarmer notre démocratie », clame enfin le nouveau mouvement, dans son manifeste. Et l’une des missions prioritaires que se donne Vigilobb est celle de mettre au grand jour les pratiques des lobbys et les cas de corruption, car « les lobbyistes industriels, tels des « Draculas économiques », ne peuvent vivre à la lumière ».

Économie
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