Smartphone : « Le désir jamais assouvi d’être ici et ailleurs »
Spécialiste des usages des technologies, Francis Jauréguiberry analyse les conséquences sociales de la connexion permanente.
dans l’hebdo N° 1479 Acheter ce numéro

Craint-on à ce point la solitude pour que notre esprit s’arrime si facilement à l’écran de notre smartphone ? Pour Francis Jauréguiberry, qui a notamment étudié l’influence des objets connectés sur nos manières de voyager [1], le smartphone a modifié notre rapport au monde, notre manière d’interagir avec les autres, nos choix et nos prises de décision.
Les technologies de masse ont toujours transformé notre rapport au temps et à l’espace. Qu’est-ce qui différencie l’essor du smartphone de celui de la télévision, de la radio, du télégraphe ou de l’imprimerie ?
Francis Jauréguiberry : La différence la plus visible réside dans la très grande rapidité d’expansion des smartphones, alors que les autres technologies ont mis parfois plusieurs dizaines d’années à faire partie de notre quotidien. Cela indique que le smartphone répond à des attentes : pouvoir communiquer avec n’importe qui où que l’on se trouve, inscrire une continuité dans les relations inter-subjectives en faisant fi de l’espace-temps. Je parle dans mon travail de « don de semi-ubiquité » : c’est ce qui fait sa spécificité. Dans un même appareil est condensée une part de plus en plus importante de notre rapport au monde. Que ce soit dans le domaine des idées, de l’actualité, de nos contacts affectifs ou professionnels.
Dans votre livre sur le voyageur du XXIe siècle, vous vous êtes intéressé aux différentes stratégies de