« Pour faire système, les alternatives doivent changer d’échelle »

Claire Brossaud dresse un portrait nuancé des différentes mises en pratique du concept de commun. Des initiatives jamais à l’abri du marché et des logiques capitalistes.

Marine Caleb  • 20 décembre 2017 abonné·es
« Pour faire système, les alternatives doivent changer d’échelle »
Pour « faire commun », un espace de coworking, comme ici à Berlin, doit impliquer ses usagers.
© ROBERT SCHLESINGER/picture alliance/DPA/AFP

À travers des événements comme « Le Temps des communs » en 2015 ou « Villes en biens communs » en 2013, la sociologue Claire Brossaud explore la notion au prisme des sciences sociales. Alternative au capitalisme et au dualisme privé-public, moyen de changer la société, les « communs » sont encore loin de faire système. Selon cette chercheuse, les différentes expérimentations doivent changer d’échelle et miser sur la collaboration, ce qui prendra du temps.

Les initiatives comme les paniers culturels et alimentaires, l’habitat participatif, les espaces de coworking ou les tiers lieux prolifèrent partout en France et dans le monde. Relèvent-ils du « retour des communs » analysé par Benjamin Coriat en 2015 [1] ?

Claire Brossaud : Oui, sous réserve que les communs soient réellement pratiqués dans ces projets. D’après Elinor Ostrom, l’économiste américaine qui a reçu le prix Nobel d’économie en 2009 pour ses travaux de référence sur les communs, cette notion désigne une ressource dont la gestion est prise en charge et partagée par une communauté. Elle peut être matérielle, comme l’espace, l’habitat ou la terre, ou immatérielle, à l’instar des données, du code génétique ou de l’énergie.

L’habitat participatif ainsi que les espaces de travail partagés du type coworking, fab labs, « living labs » ou tiers lieux sont des exemples de communs. Si des individus interviennent dans la gouvernance d’une ressource, cela peut conduire à une transition menant aux communs.

En modifiant les modes de production et de consommation, certaines de ces initiatives aspirent effectivement à une réelle transformation écologique, sociale et économique de la société. Elles sont pensées comme des alternatives aux logiques néolibérales, qui s’approprient de manière exclusive des ressources naturelles ou intellectuelles et génèrent de fait des inégalités. Mais elles recouvrent des réalités très différentes.

Quelles seraient les caractéristiques d’un commun pérenne ?

Il y a quelques années, les communs étaient encore assimilés à des « biens » à protéger grâce à des droits juridiques. Ainsi sont nées, par exemple, les licences Creative Commons dans le domaine du numérique. Aujourd’hui, notamment grâce à des auteurs comme Christian Laval et Pierre Dardot [2], les communs sont moins regardés comme un « bien » et davantage comme un « agir commun ». Un

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Économie
Publié dans le dossier
Ils inventent une autre économie
Temps de lecture : 10 minutes