Adama Traoré : une marche pour la justice et la vérité

Deux ans après la mort du jeune homme dans les locaux d’une gendarmerie, sa famille continue le combat. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté à leurs côtés dans les rues de Beaumont-sur-Oise.

Malika Butzbach  • 22 juillet 2018
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Adama Traoré : une marche pour la justice et la vérité
© Photo : Vanina Delmas.

C’était le 19 juillet 2016. « Mon frère est mort dans les locaux de la gendarmerie en portant le poids de trois gendarmes sur son corps. Ça s’est passé il y a deux ans, et nous n’avons toujours pas de contre-expertise médicale », a dénoncé Assa Traoré. Porte-parole du comité La Vérité pour Adama, elle dénonce le report des conclusions d’un nouveau rapport d’expertise médicale, qui devait être rendu mi-juillet afin de faire lumière sur les circonstances de la mort du jeune homme. Mais leur remise a été reportée à la fin septembre, « sans raison », précise la jeune femme devant les journalistes. « Aujourd’hui, on n’a plus confiance en la justice française. C’est inadmissible ce qui est en train de se passer, on est dans un déni de justice. »

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« Plus de colère, de détermination »

Le cortège (800 personnes selon la préfecture, 2000 selon les organisateurs) se met en marche vers 14 heures devant la gare de Persan-Beaumont (Val-d’Oise). Les manifestants, comme la famille, réclament « justice et vérité », comme l’an dernier. « Mais là, il y a plus de colère, de détermination, remarque Léa*, qui vient de Saint-Denis et était déjà là l’année précédente.

Je ne sais pas si c’est l’affaire d’Alexandre Benalla, le report du rapport ou le nombre de victimes de violences policières cette année, mais j’ai l’impression que l’ambiance a changé. On est plus dans la colère que dans l’émotion.

Pour toutes les victimes

De nombreuses familles de personnes décédées dans des circonstances mettant en cause les forces policières sont présentes, comme Mohamadou Camara. Son frère de Gaye Camara, 26 ans, a été tué d’une balle tirée par un policier en janvier dernier à Epinay-sur-Seine  (Seine-Saint-Denis). « On est venus par soutien, mais surtout parce que l’on ne se bat pas que pour nous. Ce sont toutes les injustices liées aux violences policières que nous dénonçons aujourd’hui. » Lorsque le cortège arrive sur le pont sur l’Oise reliant Persan à Beaumont, Assa Traoré s’empare du micro et énumère le nom des victimes de violences policières. La foule scande avec elle. « On ne peut même pas tous les dire. La liste est trop longue », regrette la jeune femme.

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« Cette affaire est devenue symbolique »

Parmi les manifestants, Winston* est venu de Paris, comme beaucoup. « On était très nombreux à prendre le RER à gare du Nord. Avec le tee-shirt “Justice et vérité”, on s’est reconnus. C’est important que les Parisiens viennent aussi ici, explique le jeune homme de 25 ans. Cette affaire est devenue symbolique. » Le constat est partagé par l’écrivain Edouard Louis, présent lui aussi. « Ce mouvement a réussi à créer quelque chose d’inédit, alors que la réalité dénoncée existe depuis longtemps, remarque l’auteur de Qui a tué mon père. C’est aux gens de venir ici, si cette affaire a un retentissement national, elle est avant tout locale. »

Crainte de récupération

De nombreuses personnalités politiques de gauche sont également présentes. « Ça aussi, ça change de l’an dernier », remarque Léa* pour qui c’est « étrange » de marcher à côté des députés France insoumise ou de l’ancien candidat PS, Benoît Hamon. Certains manifestants craignent une récupération politique mais, pour les élus comme Éric Coquerel (FI), « c’est important d’être présent ». Loin de ces tensions, son amie Margaux souligne que la marche est une réussite. « Il y a 2 000 personnes qui sont venues, en plein mois de juillet, à Beaumont-sur-Oise pour manifester. C’est signe que cette affaire touche beaucoup l’opinion publique. »

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