Climat : « Quand je serai grand, je voudrais être vivant »

Plus de 160 000 jeunes ont défilé et donné de la voix en France à l’occasion de la grève mondiale pour le climat. Reportage dans le cortège parisien.

Vanina Delmas  • 15 mars 2019
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Climat : « Quand je serai grand, je voudrais être vivant »
© Photo : V. Delmas

Le rendez-vous était calé dans leur emploi du temps depuis quelques semaines : le 15 mars, c’est grève pour le climat ! Depuis un mois, les jeunes Français ont banalisé eux-mêmes leur vendredi pour donner une leçon d’écologie au gouvernement, rejoignant la dynamique venant de la Suédoise Greta Thunberg mais aussi de Belgique, d’Australie, d’Allemagne… Un cap a été franchi : plus de 120 pays de sont mobilisées pour ce « Fridays for future » et en France, ça a bougé dans 200 villes, de Lyon à Nantes, en passant par Die, Limoges ou Lille.

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À Paris, à l’ombre du Panthéon, Isaac et son grand-père regardent passer le cortège un instant avant de le rejoindre. À 9 ans, c’est la première fois qu’Isaac manifeste pour le climat. Et il n’a même pas eu à sécher l’école car sa maîtresse aussi fait grève. « J’ai voulu marcher aujourd’hui parce que ça ne va pas dans le monde, il fait beaucoup trop chaud. Il faut faire quelque chose. J’aime bien la nature, la montagne et je veux que la planète reste belle », dit-il avec beaucoup d’assurance, sa chapka bien enfoncée sur la tête. Et il compte bien participer aussi à la Marche du siècle du lendemain, mais cette fois, il préparera une pancarte !

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Des adultes observent et soutiennent ce mouvement de la jeunesse, comme Christelle. Son fils en classe de 3e vient de lui envoyer un texto pour savoir s’il peut sécher le cours suivant pour rester à la marche. « On avait convenu qu’il pouvait aller manifester jusqu’à telle heure, mais maintenant qu’il est là, bien sûr qu’il peut rester », répond-elle du tac au tac, fière de la prise de conscience de son fils. « Il grandit et comprend enfin pourquoi je l’oblige à manger bio depuis toutes ces années !, s’amuse-t-elle. La notion de temps est importante pour que la mobilisation mûrisse dans les esprits, mais avec tous les slogans qu’on lit, on voit bien qu’ils ont tous l’esprit vif. »

La créativité et l’humour explosaient dans tous les messages écrit parfois « à l’arrache » sur un bout de carton, et parfois dessinés avec talent. Les références à la pop culture ne manquent pas comme ce clin d’œil à Dobby, l’elfe ami d’Harry Potter : « Méchant lobby, méchant ! ». Ou à Star Wars et Yoda avec cet appel à rejoindre le « Green side » de la force (le côté vert). Sans oublier le groupe Queen avec le fameux « The chaud must not go on ! ». L’impertinence et la provocation aussi avec le désormais célèbre « Arrêtez de niquer nos mers ! » ou « Y a que dans nos soirées qu’on veut 1 000°C ! »

Les engagements affichés tournent souvent autour de la préservation de la nature, des abeilles, et de l’importance des petits gestes quotidiens, comme les participants du mouvement Clean Walk qui ramassent tous les mégots. Mais d’autres affirment petit à petit leur position anticapitaliste. Le matin, un centaine d’étudiants ont bloqué la siège de la Société générale à Paris et Angers pour dénoncer l’investissement de la banque dans les « énergies sales ».

Camille, Élodie et Hannae, en classe de seconde et première, prennent conscience de la place de l’argent, du business, des lobbies dans les décisions politiques. « C’est facile de se faire duper par les paroles des gouvernements », glisse Élodie. « Nous voulons être pris au sérieux. La plupart des adultes pensent que nous voulons juste sécher les cours mais ce n’est pas vrai ! Eux, ils se fichent de l’écologie, ils disent que c’est foutu, mais c’est nous qui allons surtout en faire les frais. Il reste un mini-espoir alors on n’abandonne pas », déclare avec conviction la jeune fille aux cheveux roses. « Les adultes veulent travailler pour nous laisser un héritage comme ils disent. Mais on ne veut pas de leur argent, on veut une planète en bon état ! », complète Camille.

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Assise sur un rebord de fenêtre, Lili ne cesse de brandir sa pancarte, au message très personnel : « Quand j’étais petite, j’voulais être sauveuse d’ours blanc. Aujourd’hui, c’est trop tard, y en a plus ! » En dessous, l’image de cet ours polaire famélique devenue virale en 2017. Même si l’agonie de l’animal ne serait pas directement imputable au réchauffement climatique selon certains scientifiques, celui-ci le menace incontestablement : la fonte de la banquise oblige les ours à migrer vers des territoires où les eaux sont moins riches en nourriture. En terminale littéraire, Lili ne sait toujours pas quel métier remplacera son rêve d’enfant, et avoue son pessimisme sur les années à venir. Un lycéen passe alors avec une pancarte qui met tout le monde d’accord : « Quand je serai grand, je voudrais être vivant ».

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L’optimisme et la détermination surgissent pourtant de la plupart des discours, slogans ou chants qui résonnent tout au long de la marche. À l’arrivée sur l’esplanade des Invalides, Sam et Léa, 17 ans tous les deux, s’assoient un moment mais laissent leur pancarte en évidence : « Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient ». « Je suis ravie de voir autant de monde aujourd’hui, car c’est cette jeunesse qui va bientôt voter et qui pourra faire changer les choses, lance Léa. L’écologie est une cause qui touche tout le monde car mêmes les riches seront un jour victime du réchauffement climatique. »

Cette Américaine qui étudie en ce moment en France porte un regard lucide sur son pays natal et les différences de traitement entre les catégories sociales. « Les Américains restent coincés dans la pensée de l’argent, et se fichent de l’écologie en général. C’est un pays jeune par rapport aux pays européens par exemple, et je pense que c’est une raison qui les empêche de penser sur le long terme et donc d’avoir une vraie conscience écologique. » Pour le moment, elle se voit bien entamer une carrière d’artiste. Sans plus de précisions. Quant à son ami Sam, d’origine anglaise, il pense à se lancer dans des études de droit. « Peut-être du droit de l’environnement », conclut-il. Une belle énergie contagieuse qui ne devrait ps s’essouffler car comme l’a écrit un étudiant sur un abribus délivré de sa pub « Le weekend ne fait que commencer », car ce samedi, pas besoin de faire grève pour participer à la Marche du siècle.

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Écologie
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