Viols de guerre : que justice soit faite !
Les violences sexuelles ont longtemps été considérées comme une part inévitable des conflits. Au point qu’elles n’ont que rarement été jugées pour ce qu’elles sont : des crimes. Des terres brûlées aux couloirs feutrés des institutions internationales, récit d’un inlassable combat contre l’impunité.
dans l’hebdo N° 1572 Acheter ce numéro

Je ne suis pas venue chercher de la pitié. Je veux que vous reconnaissiez que j’ai perdu ma jeunesse, ma vie », clame Kim Young Suk. « Pour nous, la guerre ne s’est jamais vraiment terminée », ajoute une femme à ses côtés. Décembre 2000. À Tokyo, des dizaines de femmes brisent un silence de soixante ans. Coréennes, Philippines, Chinoises, elles étaient « femmes de réconfort », sordide euphémisme employé par l’empire nippon pour désigner les quelque 200 000 femmes séquestrées et prostituées par son armée durant la Seconde Guerre mondiale.
Conçu pour « maintenir le moral et la discipline des troupes », ce gigantesque système d’esclavage sexuel n’a jamais été jugé. En 1946, les violences sexuelles n’étaient pas au rang des crimes jugés par le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient. Pas plus que les viols de masse commis par l’armée allemande ne l’étaient aux procès de Nuremberg. Quant aux exactions commises par les Alliés en Italie, en Allemagne, en France ou au Japon, seuls les historiens nous en rappellent le souvenir.
« Pendant très longtemps, les viols en temps de guerre n’ont pas été reconnus comme un crime. Ils étaient considérés comme un “dommage collatéral” du conflit ou encore un “butin” bien mérité pour ces braves soldats qui s’étaient battus si fort », souligne la juge Navi Pillay (1). En 1949, les conventions de Genève, définissant les règles fondamentales du droit humanitaire pendant les conflits armés, affirment certes que _« les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur ». Mais ce principe théorique ne vient pas pour autant entamer l’idée que le corps des femmes est un champ de bataille et les violences sexuelles, une inévitable part du chaos. Au point que, pendant des années, nul n’a songé à juger ces actes pour ce qu’ils sont, des crimes, et que leur usage stratégique comme arme de domination, de répression politique et de nettoyage ethnique a été ignoré.
En 1997, à Arusha, en Tanzanie, Jean-Paul Akayesu, bourgmestre de Taba, affronte la justice. Pour la première fois depuis Nuremberg, une cour, celle du Tribunal pénal international pour le Rwanda, se penche sur des accusations de génocide. Trois ans plus tôt, 2 000 Tutsis ont été assassinés à Taba, jusqu’au sein du bureau communal. « À l’époque, plusieurs organisations de la société civile dénonçaient l’absence de crimes sexuels dans les chefs d’accusation, raconte Navi Pillay, seule femme parmi les trois juges du procès. J’ai donc interrogé la première témoin à ce sujet. Cette femme avait subi un viol, ainsi que
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