Portrait de flic : Antoine, la quarantaine, CRS en Rhône-Alpes depuis 23 ans

« Nous devons de plus en plus aller au choc sur les groupes les plus violents. »

Oriane Mollaret  • 20 juillet 2020
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Portrait de flic : Antoine, la quarantaine, CRS en Rhône-Alpes depuis 23 ans
© Jerome Gilles / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Antoine* a commencé sa carrière bien loin de la police, en tant qu’éducateur sportif dans un quartier difficile de la Seine-Saint-Denis. L’ancien sportif rejoint les rangs des CRS dès sa sortie de l’école de police. « Le monde CRS me correspond bien, du fait de mon envie de bouger à travers la France et de l’esprit de corps qui y règne. J’adore travailler en équipe », précise-t-il. 

Pour le travail en équipe, Antoine est servi : les CRS sont répartis en sections de 35 personnes, toujours les mêmes, qui évoluent ensemble à travers le pays au gré des besoins. « Chez nous l’entraide n’est pas un vain mot ! dit-il avec fierté. On mange et on dort quasiment en autarcie pendant un mois, ça crée des liens, de la fraternité. Comme dans une vraie famille. »

Ces dernières années ont été éprouvantes pour Antoine et ses collègues. Il se souvient particulièrement du 1er décembre 2018, l’acte 3 des gilets jaunes à Paris, qu’il qualifie d’« insurrectionnel ». « Ce jour-là, la République a vacillé», confie-t-il. Sous les tirs de LBD et les canons à eau, la République n’aura pas vacillé longtemps. 

« Le lanceur d’eau, c’est non létal, non toxique, et ça ne fait de mal à personne, affirme le CRS. Nous avons tous joué à nous asperger au jet d’eau quand nous étions gosses, ça saisit ! » Avec une pression de 20 bars, un sacré tuyau d’arrosage tout de même ! Quant au LBD, c’est un moindre mal, estime Antoine : « Ça permet de ne pas sortir l’arme à feu. Le mec avec le cocktail Molotov, on ne va pas lui lancer notre matraque ! » 

> Lire aussi : L’entretien de Paul Rocher, « Les armes non létales déresponsabilisent la police »

Si ça ne suffit pas à maintenir les manifestants à distance, les CRS peuvent toujours charger. « Nous devons de plus en plus aller au choc sur les groupes les plus violents. Notre but est de rétablir l’ordre, pas d’occasionner des dommages corporels. Et je tiens à le rappeler : rester devant les forces de l’ordre après les trois sommations et l’ordre de dispersion, c’est un délit. »

Un argument inaudible pour les gilets jaunes qui y ont laissé une main ou un œil. Le CRS, cependant, se dit en accord avec eux : « On est tous gilets jaunes, on a tous du mal à finir les fins de mois. Dans les CRS, on est beaucoup à venir de milieux ouvriers, voire défavorisés. On peut être d’accord avec un mouvement mais, quand on met la tenue, on a une obligation de réserve et de loyauté envers la République. C’est ce qui fait notre force, mais aussi peut-être notre faiblesse… »

> Lire aussi : L’interview d’Hélène L’Heuillet : « l’Etat doit rappeler sa place à la police »

*Les prénoms ont été changés.

Société Police / Justice
Publié dans le dossier
Où va la police ?
Temps de lecture : 2 minutes
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