Tout ça pour ça

Donald J. Trump n’a pas seulement été un (autre) président des riches : il a également excité ses fan-clubs d’extrême droite.

Sébastien Fontenelle  • 13 janvier 2021
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Tout ça pour ça
© MANDEL NGAN / AFP

Alors ça, vraiment, c’est ballot : tant d’efforts, anéantis en quelques heures à peine. Rappelons-nous : depuis 2016, de doctes commentateurs, venus de tous les horizons politiques, nous ont remontré – au risque de paraître, parfois, discrètement surplombants – que nous n’avions décidément rien compris (non plus) au trumpisme.

Rappelons-nous le ton péremptoire (et de vrai condescendant, voire discrètement méprisant) qu’ils prenaient pour nous instruire par exemple, à la fin de mieux nous dessiller, de ce que non, Donald J. Trump, affairiste milliardaire (et grand optimisateur fiscal) soutenu par le Ku Klux Klan, n’était, au fond, et nonobstant qu’il fût d’un caractère un peu ombrageux et parfois même un peu fantasque, pas un si mauvais bougre – mais bien plutôt quelque chose comme un ennemi du système (1) ; de ce qu’il convenait, par-delà ses aspérités, de le créditer d’avoir su sentir les désenchantements et les espoirs du petit peuple blanc du Kansas ; et de ce que ce contrasté personnage n’était du reste sans doute pas si xénophobe qu’on le suggérait dans les si conformistes pages « Opinion » du New York Times, puisque aussi bien des Hispaniques et des Noir·es comptaient voter pour lui. (« Je ne suis pas raciste, j’ai des électeurs de couleur. »)

Puis d’ailleurs, et plus généralement, grondaient aussi ces redresseurs : n’en faites-vous pas un tout petit peu trop, avec ces histoires de racisme, depuis que vous avalez trois campus américains à chaque petit-déjeuner ? Et ne serait-il pas temps de revenir au si juste constat que dresse dans son dernier livre l’excellent M. Bruckner (Pascal, de son prénom), lorsqu’il écrit (2) qu’« on se battait hier au nom du prolétariat », mais qu’aujourd’hui, hélas, hélaas, hélaaaas, « sous l’impulsion d’une américanisation caricaturale de l’Europe, la lutte des races » est « en train de remplacer la lutte des classes » ?

Et patatras : la semaine dernière, tout ce bel édifice s’est effondré sous le poids pesant de la réalité. Car dans le monde réel Donald J. Trump n’a pas seulement été – bien sûr – un (autre) président des riches, artisan notamment d’une réforme fiscale si favorable aux nanti·es et aux multinationales qu’elle lui a valu d’être ovationné par Wall Street : il a également excité, pendant tout son mandat, ses fan-clubs d’extrême droite.

Et lorsque le 6 janvier ces fascistes et autres néonazis (3), chauffés à blanc – c’est le cas de le dire – par le même Trump et parmi lesquels se trouvaient des représentants de toutes les catégories sociales, ont finalement attaqué le Capitole de Washington, les mêmes institutions policières qui venaient de passer tant d’années à réprimer brutalement des manifestations antiracistes leur ont, pour ainsi dire, très gentiment ouvert les portes du Congrès – un peu comme si ces corporations étaient, elles, pour de bon et réellement plus attentives à la race qu’à la classe.

(1) Ne ris pas, s’il te plaît.

(2) Avec la même pointue perspicacité qui lui avait fait ovationner en 2003 la guerre de M. Bush en Irak.

(3) L’un d’eux arborait un sweat-shirt à capuche à l’effigie du camp d’extermination d’Auschwitz…

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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