La nouvelle étiquette énergie peut mieux faire

Depuis le 1er mars 2021, un nouvel étiquetage guide les consommateurs dans l’acquisition de certains appareils électroménagers pour en connaître la dépense énergétique. Révisées par la Commission européenne, ces étiquettes, conçues pour davantage de transparence, sont un enjeu majeur pour les industriels qui contournent parfois la réglementation à leur profit.

Pauline Claire  • 9 mars 2021
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La nouvelle étiquette énergie peut mieux faire
© Photo : Depuis le 1er mars une nouvelle étiquette énergie est apparue sur l’électroménager. Plus exigeante dans son système de notation, elle vise à orienter le consommateur vers un achat plus pérenne et moins énergivore (KLAUS OHLENSCHLÄGER / PICTURE ALLIANCE / DPA PICTURE-ALLIANCE via AFP).

Désormais, les réfrigérateurs, congélateurs, lave-linge séchants ou non, lave-vaisselle, téléviseurs et écrans doivent respecter des normes plus strictes en termes de consommation d’énergie. Un nouvel étiquetage affiche les performances de chaque produit noté de A à G. A étant un objectif à atteindre dans les années futures, tous ces produits sont pour l’instant étiquetés de B à G. Un QR Code, placé sur l’étiquette, permet aux consommateurs de télécharger des informations complémentaires sur les performances du produit tandis que des pictogrammes rafraîchis précisent sa consommation en kilowattheure (kWh), sa consommation en eau, etc.

Un ancien système de notation confus

« Les premières étiquettes datent de 1994. Avant on ne savait rien du tout sur la consommation d’énergie des produits », explique Sophie Attali du Guide TopTen, un guide d’achat en ligne qui propose des appareils de la vie courante économes en énergie. « On avait des produits qui coûtaient très cher mais consommaient beaucoup, et d’autres peu chers qui consommaient peu : les prix étaient déconnectés de l’énergie consommée. » Cette première réglementation, qui évaluait les produits de A à D, a porté ses fruits en incitant les industriels à en améliorer la fabrication pour rester concurrentiels. En 2005, tous les appareils ont ainsi atteint la classe A. Mais les industriels, plutôt que de déclasser leurs produits de A à G et recréer de nouvelles normes qui offrent une marge de progression, ont obtenu une modification des étiquettes. « Les fabricants ont proposé d’ajouter au A des + puis des ++ et enfin des +++ », explique Sophie Attali. Après cette « bataille perdue pour les ONG environnementales », les négociations européennes reprennent mais le travail est long. En quinze ans, seules quatre catégories de produits ont été actualisées et changées en magasin. Dix autres restent à ce jour sans étiquette ou avec d’anciennes considérées « mensongères » par l’eurodéputée écologiste, Michèle Rivasi.

Des normes négociées ?

« Ce qui est bien avec la refonte de la réglementation sur les étiquettes, contrairement à la plupart des réglementations européennes, c’est que les trois parties prenantes font les réunions ensemble dans le but de trouver un accord sur une norme », explique Mélissa Zill, chef de projets au sein de l’organisation à but non lucratif bruxelloise ECOS, missionnée par la Commission européenne pour participer aux négociations. Mais cette recherche de consensus entre les États, les fabricants et les ONG environnementales n’aboutit pas toujours. Les aspirateurs, par exemple, ne sont toujours pas soumis à l’étiquetage énergétique. Et pour cause, la marque Dyson a gagné un procès intenté contre la Commission européenne, dont le jugement invalide les résultats d’expertises ayant conduit à définir la norme. Michèle Rivasi explique : « Nous ne verrons pas d’étiquette pour les aspirateurs avant 2030, c’est trop tard. Les industriels ont utilisé la justice pour retarder la réglementation parce qu’ils n’étaient pas prêts. »

Des négociations inégales

« Certains États mettent peu de moyens pour suivre les échanges et n’ont pas suffisamment de ressources pour se faire conseiller », pointe Sophie Attali. La plupart ne sont présents que lorsqu’un produit présente un intérêt pour leur économie. « Un État membre ne viendra pas aux réunions sur les frigos s’il n’a pas d’usine de production et des emplois liés à cette industrie à protéger », note Mélissa Zill. « Certains votent même parfois au petit bonheur la chance », confie Sophie Attali. Les ONG n’ont également ni le temps ni les ressources humaines et financières nécessaires pour suivre les échanges pleinement, bien qu’elles participent en produisant des rapports et en proposant des modifications sur les réglementations européennes.

« Les industriels ont le pouvoir de l’argent, mais pas comme on l’imagine en versant des pots-de-vin, explique Mélissa Zill. C’est plutôt en ayant beaucoup de chercheurs et de techniciens à leur service. » Ces moyens humains leur permettent ainsi de peser dans les discussions à double titre : grâce à leurs connaissances techniques de la production et leur capacité à diffuser ces connaissances. C’est le cas de Dyson qui, après son procès, s’est vu confier la charge de réaliser la norme destinée aux aspirateurs. Les États laissent donc aux industriels la responsabilité de créer les normes qu’ils devront ensuite respecter.

Des fabricants juges et parties

En plus d’être très actifs dans l’établissement de la réglementation, les industriels sont les garants du respect de celles-ci. En effet, l’attribution des notes se fait par auto-déclaration des fabricants. Ces auto-évaluations sont contrôlées par les États membres de manière aléatoire et insuffisante. En France par exemple, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est en charge de tous les contrôles des produits vendus sur le territoire. Et comme le confie Sophie Attali, « la DGCCRF n’a pas les moyens de tout contrôler. En tant que consommatrice, il est difficile de ne pas préférer qu’ils contrôlent l’alimentation ou les jouets pour enfants ».

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