Merci François Héran

La Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression nous lave un peu des immondices racistes qui sont devenues le bruit de fond de notre vie publique.

Sébastien Fontenelle  • 17 mars 2021
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Merci François Héran
François Hérann
© Photo12 / Damien Grenon / Photo12 via AFP

Et des fois, dans ces temps si désespérants,un livre paraît, qui nous fait un bien fou. Parce qu’il nous remet d’aplomb. Parce qu’il nous rappelle, simplement mais fermement, quelques puissantes évidences – et que nous ne sommes pas seul·es à ne pas nous résoudre au(x) pire(s) et à refuser de nous laisser engluer dans les poisons de l’époque. Parce qu’il nous lave un peu des immondices racistes qui sont devenues, au fil des ans, le bruit de fond de notre vie publique. Et parce qu’en somme il nous raccroche, nous rassérène, nous rassure, nous ravigote, nous ravive, nous requinque, nous revigore (1).

On voudrait ainsi tout citer (2) de la Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression de François Héran (252 pages, 14 euros), qui vient de paraître aux éditions La Découverte (3) – et qui va immanquablement lui valoir d’être agoni par les salauds qui dressent en 2021 les mêmes listes d’« islamo-gauchistes » qu’établissaient il y a cent ans leurs (pas si) lointains devanciers pour d’autres prétendu·es agent·es de l’anti-France.

On voudrait dire les pages, extraordinairement courageuses, où il rétablit que non, décidément non : la liberté d’expression n’est pas une liberté de blesser, de salir, de vexer. Que « la critique » ne peut et ne doit être ni un « outrage » ni un « avilissement, […] sans quoi les mots n’ont plus aucun sens ». Que la fustigation obsessive de l’islam n’est pas une simple (dés) appréciation d’une religion, mais bien une improbation de ses pratiquant·es : les musulman·es.

Puis aussi : que « les discriminations ne sont pas solubles dans les inégalités sociales », mais qu’elles « s’y ajoutent » – et qu’il est, partant, « atterr(ant) de voir des chercheurs de haut niveau s’imaginer que la mise en évidence des inégalités ethnoraciales ferait de l’ombre à la sociologie des inégalités sociales (4) ». Que l’islamophobie n’est pas une fantasmagorie, mais bien « une tradition française » – déjà ancienne, toujours hideuse. Que la République, avant-hier encore, « séparait les sexes ». Que « la discrimination raciale » est toujours, dans une France rongée par « le racisme systémique » qui n’en finit plus – de « gauche » à droite – de se raconter qu’elle est le phare du monde quand elle « déshabille le prophète pour rhabiller la collégienne », une « réalité massive », et que rien ne vaut, pour l’appréhender, « la force de l’approche intersectionnelle ».

Ou peut-être qu’on voudrait juste dire, un peu distinctement : merci, François Héran.

(1) Je te laisse compléter ?

(2) Mais la place est ici comptée et strictement limitée aux minuscules 3 000 signes, espaces compris, dont je quémande le doublement depuis l’an de grâce 625.

(3) Dont je précise qu’elles ont publié plusieurs de mes livres – mais se refusent toujours, et en dépit de mes incessantes supplications, à me virer 5 millions de dollars sur un compte caïmanesque quand je parle ici d’un de leurs ouvrages.

(4) À bons entendeurs…

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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