Que fait ce gouvernement pour la jeunesse ?

Pourquoi ne cherche-t-on pas à créer un réel service public d’accompagnement de la jeunesse ?

Sabina Issehnane  • 22 septembre 2021
Partager :
Que fait ce gouvernement pour la jeunesse ?
© ALAIN JOCARD / AFP

Après le plan « 1 jeune, 1 solution » mis en place durant l’été 2020, un nouveau dispositif, le revenu d’engagement pour les jeunes (REJ), va être lancé. Loin d’être novateur, ce projet s’inscrit dans la droite ligne des politiques dites d’activation, par lesquelles le jeune signe avec un conseiller un contrat détaillant des droits et des devoirs, et prévoyant des sanctions en cas de non-respect des engagements. Au lieu d’étendre le RSA aux jeunes de moins de 25 ans ou de créer une véritable allocation d’insertion et d’études pour la jeunesse, on choisit non de généraliser la garantie jeunes, mais de créer un dispositif qui y ressemble étrangement. Il est destiné aux « Neet » (Not in education, employment or training), autrement dit aux jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation initiale ou professionnelle, avec une durée maximale de dix-huit mois. Mais que fera le jeune ensuite s’il reste sans emploi ? D’autant plus que la réforme du calcul de l’assurance-chômage (que le gouvernement persiste à mettre en place coûte que coûte, malgré la suspension du Conseil d’État de juin dernier) va tout particulièrement toucher les jeunes qui subissent des emplois discontinus.

La mise en œuvre du REJ pourrait être confiée à des opérateurs privés. Habituellement, les dispositifs destinés à l’accompagnement des jeunes sont confiés aux missions locales, des associations qui assurent une mission de service public de l’emploi. À rebours de cette pratique, le gouvernement envisage d’externaliser un dispositif public à une structure privée marchande, alors même que des structures existent déjà et ont fait la preuve de leur expertise en la matière. En lieu et place de cette privatisation de l’accompagnement (déjà en marche pour les chômeurs par le recours à des opérateurs privés de placement, dont l’efficacité a d’ailleurs été questionnée dans de nombreux travaux), pourquoi ne cherche-t-on pas à créer un réel service public d’accompagnement de la jeunesse ?

Au sein du plan « 1 jeune, 1 solution », l’aide de 4 000 euros à l’embauche des jeunes, effective jusqu’en mai 2021, avait pour objectif de diminuer le coût du travail de cette population. Des dispositifs similaires concernant le secteur privé marchand ont déjà été mis en place par le passé. C’est le cas du « soutien à l’emploi des jeunes en entreprise (Seje) », supprimé en 2008 à la suite de critiques de la Cour des comptes, qui relevait notamment un certain nombre d’indices de l’existence d’effets d’aubaine importants. Dans la même lignée, les emplois francs visaient les demandeurs d’emploi résidant dans les quartiers de la politique de la ville. Lancés sous François Hollande en 2013, ils ont eux aussi fait la preuve de leur inefficacité pour l’emploi dans ces quartiers. La mesure phare de ce plan reste l’apprentissage, un dispositif loin d’être nouveau, dont la croissance ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin, les jeunes faiblement diplômés, mais profite aux étudiants du supérieur. Faute de créer des emplois, l’arme de la formation professionnelle est souvent citée, mais n’oublions pas qu’une formation n’équivaut pas à un emploi.

Par Sabina Issehnane Membre des Économistes atterrés.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Un plan d’austérité injuste et excessif
Chronique 1 septembre 2025

Un plan d’austérité injuste et excessif

Le plan d’ajustement de 44 milliards prévu par le gouvernement Bayrou plombera la reprise et ne réduira en aucun cas le taux d’endettement public.
Par Liêm Hoang-Ngoc
L’avocate des victimes de l’agression raciste dans la Creuse menacée
Exclusivité 29 août 2025 abonné·es

L’avocate des victimes de l’agression raciste dans la Creuse menacée

Les violences se poursuivent à Royère-de-Vassivière. Après la « chasse au nègre » menée le 15 août, pour laquelle sept personnes ont porté plainte, leur avocate, Me Coline Bouillon, a été la cible de menaces de mort et de viol en ligne, d’après nos informations. Elle a déposé plainte.
Par Élise Leclercq
« La lutte a rendu visibles les sans-papiers qui rasaient les murs »
Entretien 28 août 2025 abonné·es

« La lutte a rendu visibles les sans-papiers qui rasaient les murs »

Alors que le ministère de l’Intérieur s’acharne à enfermer les personnes sans-papiers pour les renvoyer de force dans leur pays d’origine, Alassane Dicko, de l’Association malienne des expulsés, revient sur l’histoire de la lutte des personnes expulsées et de leurs soutiens.
Par Pauline Migevant
À Calais, pour les personnes exilées, le flou règne autour de l’accord franco-britannique
Reportage 28 août 2025 abonné·es

À Calais, pour les personnes exilées, le flou règne autour de l’accord franco-britannique

L’accord entre la France et l’Angleterre sur l’immigration est entré en vigueur le 6 août. Il prévoit le renvoi en France de personnes arrivées au Royaume-Uni par la Manche contre l’acceptation des personnes éligibles au programme. Mais l’absence d’information laisse les exilé·es dans un dédale administratif.
Par Élise Leclercq