Retraites : une réforme inutile et injuste

Le gouvernement vitupère que sa réforme est indispensable pour sauver la retraite par répartition. Pourtant, l’équilibre du système n’est pas menacé. Et la réforme pénalisera les femmes, les séniors et les métiers pénibles.

Liêm Hoang-Ngoc  • 1 mars 2023
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Retraites : une réforme inutile et injuste
Manifestation contre la réforme des retraites à Paris, le 16 février 2023.
© Lily Chavance

Dans le débat parlementaire qui se poursuit au Sénat, le gouvernement affirme, rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) à l’appui, que sa réforme est indispensable pour sauver le système de retraite par répartition et le rendre plus juste. Ses deux piliers (allongement progressif de la durée de cotisation à 43 ans en 2027 et recul de l’âge légal de départ à 64 ans) sont proclamés non négociables.

L’équilibre du système n’est pourtant pas menacé. Malgré la dégradation du rapport actifs/inactifs, le rapport du COR indique que, dans trois scénarios sur quatre, la part des dépenses de retraite dans le PIB va décroître à long terme. Cela est dû aux effets des réformes passées. Pour éviter d’alourdir le coût du travail par des hausses de cotisations, elles ont réduit la progression des pensions et organisé l’allongement de la durée de cotisation.

Actuellement équilibré, l’ensemble du système subirait un léger déséquilibre dans vingt-cinq ans, compris entre 0,5 et 0,8 point de PIB. Ce déséquilibre est avant tout dû à la baisse des ressources des régimes de la fonction publique résultant de la non-indexation du point d’indice sur l’inflation et de la progression moins forte de l’emploi dans la fonction publique territoriale – cette évolution ayant mécaniquement pour effet de réduire les recettes de la CNRACL (retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers), où le taux de cotisation est plus important que dans le régime général.

Un déficit temporaire pourrait aisément être absorbé par les ressources des différents fonds de réserve pour les retraites.

Réindexer le point d’indice sur les prix et mettre un terme à l’austérité dans la fonction publique suffirait-il alors à régler le problème ? Le COR ne le dit pas, car ce n’est pas son rôle. Mais il souligne que « les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ».

Le cas échéant, un déficit temporaire pourrait aisément être absorbé par les ressources des différents fonds de réserve pour les retraites (s’élevant à 206 milliards d’euros) et par la Caisse d’amortissement de la dette sociale – alimentée par la contribution pour le remboursement de la dette sociale –, qui affichera un excédent annuel de 24 milliards d’euros à partir de 2024.

Cette réforme n’est pas juste. Elle prétend tenir compte des carrières longues, des métiers pénibles, de la situation des femmes et des séniors. Or certaines carrières longues devront cotiser 43 ans et d’autres 44. Les critères de pénibilité tels que les charges lourdes, l’exposition aux vibrations mécaniques, les postures pénibles ou l’exposition aux agents chimiques dangereux ne sont pas intégrés dans le compte professionnel de prévention.

L’allongement de la durée de cotisation pénalisera les femmes aux carrières hachées, qui devront travailler bien au-delà de 64 ans pour obtenir un taux plein. Enfin, cette réforme appauvrira les séniors, dont les entreprises se séparent en moyenne à l’âge de 59 ans, sans qu’un index indicatif y change quoi que ce soit. Les dépenses des caisses de chômage et d’invalidité augmenteront donc et devront être financées.

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