La Fabrique, 25 ans d’indépendance et d’engagements
La maison d’édition fondée par Éric Hazan célèbre son quart de siècle. Un beau succès pour ce lieu phare des pensées critiques. Et qui semble aussi susciter la surveillance du pouvoir.
dans l’hebdo N° 1755 Acheter ce numéro

© Telmo Pinto / NurPhoto / NurPhoto via AFP.
Déjà, il y a quinze ans, Éric Hazan, éditeur et fondateur de La Fabrique, se félicitait dans Politis de la bonne santé de sa maison, après dix ans d’existence (1). Ce succès avait débuté modestement en 1998, à une époque où l’édition française connaissait – déjà ! – une forte concentration capitalistique, et où les éditeurs indépendants n’étaient pas légion : seules quelques maisons engagées étaient apparues récemment, comme Amsterdam, Les Prairies ordinaires, Le Croquant ou encore L’Éclat. Et l’éditeur regrettait d’ailleurs « l’isolement dans lequel on est plongé à Paris ».
Aujourd’hui, fière de fêter ce quart de siècle de publications et d’activité, la petite équipe de La Fabrique formée par le fondateur, en particulier les deux piliers de la maison, Stella Magliani-Belkacem et Jean Morisot, est impliquée et plus motivée que jamais pour poursuivre l’aventure. Le contexte a largement changé, en positif, au cours des quinze dernières années.
Jean Morisot salue en effet « la grande vitalité en France de la chaîne du livre indépendant aujourd’hui, qui est un ensemble allant des auteurs aux éditeurs, de la distribution aux librairies indépendantes, avec des correcteurs, des traducteurs, de relations avec des imprimeurs jusqu’à des médias indépendants comme Politis ! Cette chaîne, c’est tout cela ! » Et de saluer la création de nombreuses petites maisons d’édition indépendantes au cours de ces dix à quinze dernières années.
Outre les deux très bonnes années 2020 et 2021 en raison des confinements dus au Covid, où les ventes ont souvent été exceptionnelles (malgré une baisse ensuite, en 2022), la dernière décennie a également vu la création d'une foultitude de librairies à travers le pays, souvent spécialisées dans un domaine éditorial particulier, avec de nombreuses tables de sciences humaines. Ce qui aide évidemment des maisons telles que La Fabrique.
Plumes prestigieuses et classiquesMieux, toutes ces librairies et tous ces éditeurs, qui se développent en marge des concentrations des groupes éditoriaux et de distribution, « créent une émulation collective, des relais et des soutiens, et aussi des auteurs ». Et Jean Morisot de souligner qu’à La Fabrique « on dit souvent que la librairie, c’est à la fois le poumon et le pouls de cette chaîne ! ».
Avec 230 livres en vingt-cinq ans (dont 190 toujours disponibles), La Fabrique s’attache à publier des ouvrages de fond et peut se targuer d’avoir constitué un vrai catalogue. Avec nombre de plumes prestigieuses : Jacques Rancière, Alain Badiou, Daniel Bensaïd, Jean-Luc Nancy, Kristin Ross, Jean-Christophe Bailly, Enzo Traverso, Silvia Federici, Andreas Malm, Grégoire Chamayou, André Schiffrin, Nathalie Quintane, Françoise Vergès, Amira Hass, Sophie Wahnich, Michel Warschawski, Ivan Segré… Mais aussi des auteurs que l’on peut considérer comme des classiques des mouvements ouvriers et révolutionnaires, tels Marx, Lénine, Fourier, Villermé, Henri Lefebvre, Georges Labica, Daniel Guérin.
Ce catalogue, ce ne sont pas seulement des livres, ce sont d’abord des auteurs et surtout des lignes de fuite.
Impossible de les citer toutes et tous, mais, comme s’en félicite Jean Morisot, « c’est le legs d’Éric [Hazan], et ce catalogue comporte une vraie continuité ; ce ne sont pas seulement des livres, ce sont d’abord des auteurs et surtout des lignes de fuite, qui servent de base à des décisions éditoriales et qui aiguillent notre travail ».
Ce sont aussi des livres et des auteurs qui refont surface, à l’instar de La Domination policière, de Mathieu Rigouste, paru il y a plus de dix ans, à une époque où le sujet n’était que peu abordé et qui est redécouvert régulièrement au gré des épisodes de violences policières – malheureusement de plus en plus fréquents.
De même le féminisme, avec des ouvrages dont s’emparent peu à peu les générations successives. « Au fil des années, le catalogue prend du sens et s’enrichit, grâce à l’héritage des publications passées. C’est aussi ce qui est satisfaisant dans ce travail. Et pourquoi nous sommes heureux de célébrer ces vingt-cinq ans d’existence, parce que nous avons une belle liste de
Il vous suffit de vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire :
Pour aller plus loin…

Exposé·es

Médicaments : un bien commun très convoité

« L’ubérisation organise un suicide social collectif »
