Le destin des 600 mineurs non accompagnés de la rue Erlanger devant la justice

TRIBUNE. Depuis avril 2023, une école abandonnée de la rue Erlanger, à Paris, sert de refuge à des mineurs exilés non accompagnés. Une décision de justice sera rendue le 30 juin. Elle doit être un moment de vérité pour nous tous.

Collectif  • 12 juin 2023
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Le destin des 600 mineurs non accompagnés de la rue Erlanger devant la justice
© ev / Unsplash.

Il est un lieu à Paris, l’école Erlanger, qui abrite actuellement 600 récits de vie mis en suspens, des vies de jeunes mineurs non accompagnés. Depuis le 4 avril 2023, cette école abandonnée est devenue leur foyer, leur seul refuge. Ces jeunes ont traversé des épreuves que la plupart d’entre nous ne peuvent qu’imaginer. Certains ont connu la solitude, les conflits et pour certains ont vu la mort, dans leurs pays d’origine. Ils ont risqué leur vie en traversant la Méditerranée, parfois en perdant des proches en chemin. Arrivés en France, ils ont espéré y trouver un havre de paix, une société d’accueil, une fin à leur parcours du combattant.

Au lieu de cela, ils ont trouvé un nouvel obstacle, un nouvel adversaire : l’administration et les politiques françaises. Ces jeunes qui rêvent d’intégration, d’éducation, de travail, de contribuer à la nation se retrouvent refoulés par les départements après des évaluations souvent à charge prétextant leur non-minorité. La décision, prise sans consulter un juge des enfants, laisse ces jeunes perdus et confus, errant seuls dans les rues de Paris et d’ailleurs.

Quatre associations citoyennes, Tara, Les Midis du MIE, la TIMMY et Utopia 56 soutenues par de nombreux citoyens, occupent cette école avec les jeunes depuis 70 jours. Cette occupation fait suite à plusieurs mois de harcèlement policier, pour ces jeunes en errances dans les rues parisiennes. Les forces de l’ordre interdisant catégoriquement que les jeunes posent une tente. Ce harcèlement quotidien a poussé les associations à agir pour protéger ces jeunes vulnérables. Ce n’est pas par choix, mais par nécessité.

Il est grand temps que nous traitions ces jeunes, non comme des fardeaux, mais pour ce qu’ils sont :  des êtres humains !

Ce matin, lundi 12 juin, au tribunal judiciaire de Paris, une audience a eu lieu pour décider de l’éventuelle expulsion de ces 600 jeunes. La juge rendra sa décision le 30 juin prochain. Le résultat de cette audience n’a pas pour but de déterminer si ces jeunes sont mineurs ou non, mais plutôt de définir s’ils vont être expulsés, remis à la rue ou abandonnés dans cette école. Si tel est le cas, la juge demandera-t-elle la mise à l’abri des jeunes ? Auront-ils la possibilité de rester en Île-de-France ? Ces jeunes sont tous en train de mener des démarches importantes pour faire reconnaître leur minorité, certains sont scolarisés, d’autres sont accompagnés de médecin et psychologue. Un retour à la rue ou un déracinement non préparé en province serait catastrophique pour eux.

Il y a un an et demi, 92 associations, collectifs et syndicats, alertés par la situation de ces jeunes dans toute la France, se rassemblent pour créer la Coordination Nationale Jeunes Exilé·es en danger. En 2022, elle est à l’origine d’une tribune visant à améliorer l’accueil des mineur·es étranger·es sur le sol français. Cette proposition sera soutenue par 58 députés. En février 2023, elle soutiendra les 90 propositions au côté de l’UNICEF pour une véritable protection des mineurs. Ces deux textes défendent notamment et surtout la reconnaissance et le respect de la présomption de minorité, de l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au recours effectif afin d’empêcher la mise en errance systématique des jeunes jusqu’à décision du juge des Enfants.

À deux reprises en 2023, le comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies enjoint la France à respecter ces principes, d’abord dans le cadre d’une sanction puis suite à l’Examen périodique Universel qui a lieu tous les 5 ans. L’histoire de l’école Erlanger n’est pas joyeuse, mais elle est porteuse d’un message d’espoir et de résilience. Ces 600 jeunes, ainsi que tous les autres jeunes dans cette situation, partout en France avec le soutien de citoyens et d’associations dévoués, deviennent de jour en jour plus forts. Ils sont la preuve vivante que la détermination, l’esprit d’initiative et la solidarité peuvent déplacer des montagnes.

La France s’est toujours présentée comme un phare de l’humanité et des droits de l’homme. Il est grand temps que nous traitions ces jeunes, non comme des fardeaux, mais pour ce qu’ils sont :  des êtres humains ! À ce titre, ils  ont droit à la dignité. La diversité est un trésor pour notre société. En les aidant à réaliser leurs rêves, nous enrichissons notre pays et nous respectons les valeurs que nous prétendons défendre.

Cette décision de justice ne concerne pas que l’école Erlanger, elle doit être un moment de vérité pour nous tous.

Dans la lignée des recommandations des Nations Unies, nous appelons donc la France à respecter la présomption de minorité et à mettre fin aux injustices subies par ces jeunes. C’est en faisant preuve d’humanité et de respect envers ces jeunes que nous montrons notre vraie grandeur en tant que pays. Ces jeunes ne sont pas seulement le futur de la France, ils en sont le présent vibrant et résilient.

Cette décision de justice ne concerne pas que l’école Erlanger, elle doit être un moment de vérité pour nous tous. Un moment où nous devons choisir entre fermer les yeux ou nous élever pour protéger ceux qui sont les plus vulnérables parmi nous. C’est un choix que nous devons faire en tant que nation, en tant que communauté, en tant qu’êtres humains. Nous devons nous montrer à la hauteur de l’idéal que la France a toujours prétendu défendre : celui de la fraternité et de l’égalité.


Signataires

Utopia 56

Midis du MIE

Tara

TIMMY – Soutien aux Mineurs Exilés

Coordination Nationale Jeunes Exilé.e.s en Danger


Danielle Simonnet, députée de Paris LFI
Laurent Sorel, conseiller de Paris LFI
Elsa Faucillon, députée et conseillère départementale 92
Nour Durand-Rocher, conseiller de Paris Les Écologistes
Jérôme Gleizes, conseiller de Paris Les Écologistes
Chloé Sagaspe, conseillère de Paris Les Écologistes
Julien Bayou, député de Paris groupe Écologiste
Sandrine Rousseau, députée de Paris groupe Écologiste
Eva Sas, députée de Paris groupe Les Écologistes
Charles Fournier, député EELV Indre et Loire.
Andrée Taurinya, députée de la Loire
Rodrigo Arenas, député de Paris.


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