Place à la rébellion océanique

L’océan est en péril. Pourtant, il est indispensable à la survie de l’humanité, que ce soit sur le plan physiologique, social, écologique ou philosophique. Heureusement, des défenseurs de l’environnement oeuvrent pour le préserver et tirer la sonnette d’alarme. Un numéro double spécial de Politis.

Vanina Delmas  • 19 juillet 2023
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Place à la rébellion océanique
© Paulo de Oliveira / Biosphoto / Biosphoto via AFP

Pourquoi défendre l’océan, les mers et les fonds marins ? Pourquoi s’inquiéter de la santé des coraux, des baleines et des herbiers de posidonies ? Parce que c’est une question d’équilibre et de survie. Les scientifiques sont unanimes. Outre cette bouffée d’oxygène et cette pompe à carbone vitale, l’océan est un horizon de possibles. Notamment pour ces générations d’explorateurs, de scientifiques et de navigateurs qui ont sillonné ces étendues jusqu’aux abysses, territoire pas encore totalement démythifié. À l’image d’un Bernard Moitessier qui, en 1969, a refusé de gagner la première course de vitesse en solitaire autour du monde, sans escale ni assistance extérieure, et a préféré rejoindre les îles du Pacifique, « où il y a plein de soleil et davantage de paix qu’en Europe ». L’océan était sa bouée de sauvetage face au monstre capitaliste et médiatique qui l’attendait.

Mais l’océan souffre cruellement de la tragédie des communs : à personne et à tout le monde, sans règles ni contrôles. Alors, pour certains, ce n’est qu’un gouffre béant permettant d’y cacher leurs vices et leurs immondices. Pour d’autres, c’est un garde-manger vu comme infini et gratuit, un nouvel espace de conquêtes pour des ambitions économiques et technologiques débridées, souvent au mépris des peuples des pays du Sud. L’océan est aussi un cimetière d’épaves d’un autre temps, d’écosystèmes marins anéantis, de corps de pêcheurs asphyxiés par le système ou d’exilés en quête d’une meilleure vie.

L’océan n’a rien de manichéen : c’est une somme de complexités.

Dans ce numéro spécial, nous avons voulu raconter l’odyssée d’un monde aquatique en danger, défendu par une armada de vaillant·es gardien·nes. Des récits qui désamorcent la rengaine des politiques les plus conservateurs, accusant les défenseurs de l’environnement de mettre en péril les pêcheurs et la sécurité alimentaire du monde. Car l’océan n’a rien de manichéen : c’est une somme de complexités. Anita Conti, première océanographe française, l’avait bien compris. Tout au long de sa vie, elle a raconté le dur quotidien des hommes de la mer, notamment celui des pêcheurs de Terre-Neuve. Mais elle a aussi observé le déclin des ressources halieutiques et alerté dès les années 1940 sur les tonnes de poissons rejetés morts en mer, « tant de masses de bêtes, de débris tout frais retombés dans cette mer dont ils venaient d’être arrachés », alors qu’« ailleurs, des territoires entiers sont privés de nourriture ».

Le seul duel auquel se livre l’océan, c’est face à l’humanité destructrice, indifférente et passéiste. Il nous délivre une leçon d’humilité vitale car, entendons-le, l’océan est indomptable.

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