Pantin : cinq policiers condamnés pour violences, quatre toujours en exercice

Ce vendredi 14 septembre, des policiers de Pantin ont été condamnés à des peines allant jusqu’à un an de prison ferme pour violences volontaires. Un seul est définitivement interdit d’exercer. Il a déjà quitté la police.

Nadia Sweeny  • 15 septembre 2023
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Pantin : cinq policiers condamnés pour violences, quatre toujours en exercice
© PHILIPPE HUGUEN / AFP

Cinq policiers sur six de la Brigade territoriale de contact (BTC) du quartier des Quatre-Chemins de Pantin (Seine-Saint-Denis) ont été condamnés ce jeudi 14 septembre par le tribunal de Bobigny à des peines allant jusqu’à un an de prison ferme. Ils étaient mis en cause pour des violences et des faux procès-verbaux en 2019-2020, au préjudice principal d’habitants des cités Scandicci et Courtillières, connues pour héberger du trafic de drogues. Quatorze personnes s’étaient plaintes du comportement de cette brigade, dont de nombreux jeunes de cités ainsi qu’un gardien d’immeuble. Ils dénonçaient les violences récurrentes de cette brigade en roue libre, et des actes illégaux, tels des perquisitions « à la mexicaine » – hors de tout encadrement légal.

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Seul un fonctionnaire a été relaxé faute de preuve. Pour les cinq autres, les peines s’avèrent plus lourdes que celles requises par le procureur de la République au cours du procès du 31 mai au 2 juin 2023. Le parquet n’avait demandé que jusqu’à six mois de prison ferme et deux relaxes. Âgés de 30 à 48 ans, les policiers avaient évoqué, pour leur défense, leurs résultats dans la lutte contre la drogue, se vantant d’avoir fait les « plus belles affaires du commissariat », mais à quel prix ? C’est la commissaire de Pantin de l’époque qui avait déclenché l’enquête contre sa brigade, en signalant à l’inspection générale de la police nationale (IGPN) le comportement de cette équipe. Plusieurs policiers avaient aussi témoigné contre leurs collègues. « Si les peines peuvent paraître importantes, le tribunal a eu à juger des personnes qui détiennent une parcelle de l’autorité publique, qui sont garantes de la liberté et la sécurité des citoyens et un pilier de la démocratie et de la République », a justifié la présidente du tribunal, Dominique Pittilloni, en conclusion de son délibéré.

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Le gardien de la paix Raphaël I. – qui a depuis quitté la police pour se reconvertir dans l’informatique –, a écopé de la peine la plus lourde : trois ans de prison dont deux avec sursis pour de multiples violences au cours d’interpellations. Il avait notamment frappé gratuitement un gardien d’immeuble de la cité des Pommiers, lequel était venu au procès et l’avait formellement reconnu. La justice l’a interdit définitivement d’exercer comme fonctionnaire de police.

« Ces peines ne sont pas à l’image de la gravité des faits »

À l’encontre du chef de la brigade, Christian M., le tribunal a prononcé une peine de 18 mois de prison dont dix assortis d’un sursis simple pour avoir fracassé avec une matraque la main d’un jeune dealer dans la pièce de fouille du commissariat. Il avait prétexté que celui-ci avait tenté de s’attaquer à une de ses collègues. La policière avait démenti. Mamby K. était ressorti de l’hôpital avec 45 jours d’ITT. Il recevra, à titre de provision, la somme de 5 000 euros. Le gardien de la paix Yazid B., qui avait décrit à la barre leur unité comme « des jeunes flicards qui en voulaient », a été condamné à 12 mois de prison, dont six avec sursis pour des coups non justifiés portés à des interpellés en plusieurs occasions.

On estime que des fonctionnaires de police sont coupables de faits extrêmement graves tout en les laissant exercer.

Coline Bouillon, avocate

Julien S., surnommé « L’électricien » pour sa propension à utiliser le pistolet à impulsion électrique, a écopé de huit mois avec sursis pour des coups et jets de gaz lacrymogène. Enfin, lle dernier, Damien P., dont le parquet avait demandé la relaxe faute de preuves suffisantes, a été condamné à six mois de prison avec sursis pour violences. Aux dernières nouvelles, à part Raphaël I. qui a quitté la police, les autres sont toujours en poste et n’ont pas été condamnés à des interdictions d’exercer : Christian M. est en Guyane, Yazib B. à la Bac de Montreuil, Julien S. à Charleville-Mézières et Damien P. à Villepinte.

« Ces peines ne sont pas à l’image de la gravité des faits. On estime que des fonctionnaires de police sont coupables de faits extrêmement graves tout en les laissant exercer. C’est une forme d’atténuation », a dénoncé auprès de Politis, Maître Coline Bouillon, avocate de Mamby K. Contactés sur d’éventuelles sanctions administratives, ni la préfecture de police de Paris, ni la direction générale de la police nationale, n’ont pour le moment répondu à nos sollicitations.

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