Gabriel Attal, l’homme qui « piquait » les idées du RN

En nommant Gabriel Attal à Matignon, Emmanuel Macron a choisi son « minimoi », puisé dans une génération politique sans colonne vertébrale, prête à tout pour gravir les échelles du pouvoir – y compris épouser les idées de l’extrême droite.

Pierre Jacquemain  • 9 janvier 2024
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Gabriel Attal, l’homme qui « piquait » les idées du RN
Gabriel Attal, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée Nationale, le 23 mai 2023.
© Lily Chavance

Il est le premier Premier ministre connu du grand public depuis 2017. Personne ne connaissait ses prédécesseurs au moment de leurs nominations, d’Édouard Philippe à Jean Castex en passant par Élisabeth Borne. Le premier Premier ministre ouvertement gay de l’histoire de la République. Un signal positif et encourageant pour les associations LGBTQIA+, qui n’ont pas manqué de le souligner. Il est aussi le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire de France.

Le palmarès est impressionnant pour cet ambitieux aux qualités de communicant indéniables – de nombreux médias lui avaient consacré des portraits quelques semaines avant cette nomination –, mais on peine à lui trouver un quelconque bilan politique. Si ce n’est d’avoir « piqué les idées du RN »,comme l’a affirmé le maire de Perpignan, Louis Aliot. Interdiction de l’abaya, uniforme à l’école, loi asile et immigration pour laquelle il n’a pas bronché : présenté comme un homme de gauche pour être passé au cabinet de Marisol Touraine au cours du quinquennat Hollande, il est pourtant de cette génération politique sans colonne vertébrale, prête à tout pour gravir les échelons du pouvoir, y compris à épouser les idées de l’extrême droite. Un mini-Macron.

Cette nomination pourrait sonner la fin du macronisme.

En le nommant à Matignon, Emmanuel Macron fait un choix très politique, inédit depuis son élection à l’Élysée alors qu’il avait, jusque-là, plutôt privilégié des profils plus « techno ». Avec cette nomination, il n’est guère question de changement de cap politique. Macron prépare l’après Macron : l’après 2027 et la continuation de la macronie. Et c’est là que les choses se compliquent. Parce que cette nomination pourrait aussi sonner la fin du macronisme alors qu’il ne se joue plus tant la réussite du quinquennat que l’après quinquennat. Le choix Attal passe mal. Et singulièrement parmi les barons de la macronie. La jeunesse d’Attal renvoie les vieux briscards de la politique à l’ancien monde.

Sur le même sujet : La loi immigration adoptée, l’union des droites et de l’extrême droite entérinée

Parmi ceux-là, il y a Gérald Darmanin, qui ne porte pas Attal dans son cœur. La pilule passe tout aussi mal pour Bruno Le Maire, qui a été son patron à Bercy. Ces deux poids lourds venus de la droite pourraient compliquer la tâche du jeune locataire de Matignon. D’autant qu’ils se rêvent à l’Élysée. À l’heure de boucler cet article, personne ne sait si ces deux-là continueront leurs œuvres sécuritaires et libérales dans l’équipe gouvernementale ou en dehors – avec le risque que l’autonomie se transforme en rébellion.

Dans un contexte où les députés du parti présidentiel, divisés depuis le vote de la loi sur l’immigration, n’ont pas de majorité à l’Assemblée, une nouvelle fronde des macronistes – notamment ceux venus de la droite – pourrait aboutir à ce qu’Élisabeth Borne redoutait : une fracture irréversible de la majorité, potentiellement fatale à Gabriel Attal. La communication a ses limites, et le Premier ministre ne peut se contenter d’enchaîner les punchlines. Il va lui falloir imposer un cap, une politique, des réformes. Et rassembler sa maigre majorité tout en s’émancipant du rôle de collaborateur que Macron a toujours assigné à ses Premiers ministres.

Emmanuel Macron fait aussi le choix du « chouchou » des sondages.

Le président a fait le choix de son « chouchou », celui des sondages aussi, qui le disent « populaire ». Pour combien de temps ? Alors que Le Maire a annoncé que « le plus dur était devant nous » en matière de réduction des dépenses publiques , et que Darmanin, fragilisé par les camouflets que le Conseil d’État lui a infligés sur les questions de libertés publiques, apparaît plus que jamais sous pression avec l’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024, le premier gouvernement Attal va devoir redoubler d’efforts et d’inventivité pour relancer le quinquennat et répondre, s’il veut rester populaire, aux aspirations du peuple en matière de pouvoir vivre, d’environnement, d’éducation ou encore de santé. Encore faut-il qu’il en porte l’ambition.

Autre test décisif : l’élection européenne de juin. C’est aussi la raison du choix, plus politique que par le passé, de Macron : un chef de gouvernement, mais aussi un chef de campagne pour empêcher l’autre jeune, Jordan Bardella, de remporter largement le scrutin, comme le suggèrent les sondages. Reste à savoir s’il compte s’affronter à lui se rapprochant de ses idées, ou en les combattant. Après juin, quelle que soit la sanction des urnes, Attal n’aura toujours pas réglé le principal problème pour conduire sa politique et s’imposer : trouver une majorité pour gouverner. 

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