« Madame Hofmann » : prendre soin de la vie

Sébastien Lifshitz fait le portrait d’une femme au cœur immense.

Christophe Kantcheff  • 9 avril 2024 abonné·es
« Madame Hofmann » : prendre soin de la vie
Sébastien Lifshitz s’attache au portrait d’une femme, pas seulement d’une infirmière.
© Agat Films / ARTE France

Madame Hofmann / Sébastien Lifshitz /1 h 44.

Le cinéma se penche comme jamais sur l’hôpital et la santé publique. Peut-être parce que ceux qui devraient s’en préoccuper – les politiques au pouvoir – les taillent en pièces. Aux côtés des films de Nicolas Peduzzi, de Nicolas Philibert (et d’autres encore à venir), voici celui de Sébastien Lifshitz. Le documentariste (Les Invisibles, Petite Fille, Casa Susanna…) aime à rendre visibles celles et ceux qui ont du courage sans ostentation et affirment ce qu’ils sont contre vents et marées.

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Sylvie Hofmann, elle, est soignante jusqu’au bout des ongles, avec une endurance hors norme : les statistiques disent qu’une infirmière tient sept ans à l’hôpital, elle a tenu quatre décennies. Une « héroïne du quotidien » dit la bande-annonce. Avec un visage rossellinien, clair, accueillant et la foi du service au public, du dévouement à l’autre, chevillée au corps. Sylvie Hofmann exerce comme infirmière cadre à l’hôpital Nord de Marseille, dans le service d’oncologie. Pas le moins exigeant. La grande souffrance, la mort qui rôde et qui prend…

Contrairement à ce qu’on croit, les soignants ne s’y habituent pas. « Je suis liquéfiée de l’intérieur », confesse Sylvie Hofmann. C’est la période du covid. Un autre service lui quémande une infirmière (elle accepte), des lits (elle refuse), elle-même requiert des blouses. Son équipe de soignantes est au diapason de leur encadrante. Des professionnelles, aussi portées par leur jeunesse et leur joie de vivre, qui se cognent à la violence du cancer et aux carences de l’hôpital.

Pôle de tendresse

Mais Sébastien Lifshitz s’attache au portrait d’une femme, pas seulement d’une infirmière – d’où le titre, Madame Hofmann. Celle-ci livre ainsi beaucoup de son intimité, signe d’un lien de confiance puissant avec le cinéaste. On la voit avec sa fille – qu’elle a sauvée, enfant, grâce à un massage cardiaque – et avec sa mère. Une vieille dame qui a fait le même métier que sa fille, ayant traversé nombre d’épreuves (dont des cancers – elle porte le gène du cancer du sein), et qui pourtant ne cesse de plaisanter. Un autre pôle de repos et de tendresse se trouve auprès de son mari, loin de la ville.

Un grand film sur une grande dame.

La vie de Sylvie Hofmann, comme le film, trouve son point de bascule quand celle-ci décide de prendre sa retraite. Les effets sont légion : perte énorme pour le directeur du service, déchirement pour ses jeunes collègues, reconsidération du sens de son existence jusqu’ici tournée vers autrui. Quand Sylvie Hofmann dit qu’elle aura désormais du temps pour son potager, elle est sincère et semble tout à la fois s’en autoconvaincre. Madame Hofmann est un grand film sur une grande dame.

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Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes